Sunday, October 19, 2025

Comment je me vide la tête depuis plus de 30 ans

Hier, lors d'une randonnée, j'ai dû m'arrêter une bonne dizaine de fois en quelques heures pour noter des idées sur mon téléphone. C'est à peu près ma vie depuis des décennies : mon cerveau a de la peine à s'arrêter.

Je suis quelqu'un qui réfléchit beaucoup, donc. J'ai constamment des idées qui me tournent dans la tête. C'est parfois bon pour la créativité, moins pour l'anxiété et la productivité. Du coup, j'ai développé toute une série de stratégies pour faire face à ce problème.

Tout d'abord, il y a mon journal intime. Je l'ai commencé en 1993, lorsque j'étais adolescent, avec quelques premières tentatives, quelques années auparavant lorsque j'étais encore enfant. Ce journal a pris des formes assez différentes, mais je n'ai jamais arrêté depuis. Par exemple, depuis 1996, j'écris sur mon ordinateur plutôt que sur papier. Depuis une vingtaine d'années au moins, je ne rédige plus vraiment mon journal de manière stricte. J'ai plutôt une approche bullet points. J'y décris mes journées chronologiquement, mais je note aussi en vrac tout ce qui me traverse la tête : mes rêves, mes idées, les discussions que j'ai eues, mes réflexions philosophiques, etc. Je réalise avec le recul que c'est une forme que j'ai adoptée probablement parce que le but a toujours été de me vider la tête plutôt que d'écrire au sens littéraire du terme. Le concept logiciel d'event log est une métaphore qui décrirait assez bien ma pratique.

Il y a les to-do lists, aussi. J'implémente Getting Things Done (GTD) depuis environ 20 ans, mais cela fait bien plus longtemps que j'essaye de capturer sous forme de listes les choses que j'ai envie de faire. Une trentaine d'années, je dirais. Je dois encore avoir des carnets dans lesquels j'écrivais des idées de projets de programmation. Cela doit dater du début de l'adolescence.

Il y a ce blog, que j'ai commencé en 2006. J'ai un peu plus de peine à écrire de manière publique. Il y a la peur du jugement, le fait qu'un article doit être plus travaillé, abouti pour pouvoir être publié, mais je pense que si je n'écris pas plus souvent sur mon blog, c'est aussi parce que j'ai tous ces autres moyens de vider ma tête, de manière privée.

En 2016, j'ai d'ailleurs expérimenté avec un site qui s'appelle 750 Words, conçu pour encourager la pratique de l'écriture spontanée et privée. Le but était de m'astreindre à une écriture régulière. Écrire sur n'importe quel sujet, en continu, jusqu'à atteindre une limite de 750 mots par session : j'ai trouvé cette expérience assez libératrice.

À la même époque, j'ai aussi commencé à faire régulièrement des enregistrements vocaux. Je l'ai fait moins assidûment. Le résultat était probablement moins satisfaisant : je me retrouvais avec un fichier audio au lieu d'un texte que je pouvais relire. Mais l'approche était toujours la même : faire en sorte que les idées dans ma tête soient fixées quelque part, à l'extérieur de ma tête. Et je sentais bien que le processus m'aidait, même si le produit final n'était pas quelque chose sur lequel j'allais m'attarder. Je ne réécoute jamais ces enregistrements. Je n'en ai ni le temps ni l'envie. Le but n'est pas là.

Comme je le mentionnais en introduction, cela fait longtemps que je remarque que lorsque je fais des randonnées en montagne, probablement aidé par une oxygénation supérieure de mon cerveau, j'ai beaucoup d'idées qui surgissent, et il est très fréquent que je m'arrête pour les noter ou les enregistrer, sur mon téléphone ou sur ma montre. Cela a encore été le cas hier, lors d'une randonnée entre Louvie et Mauvoisin. Etonnamment, je ne remarque pas ce phénomène en faisant de la course à pied, peut-être parce que l'effort, plus intense, empêche la réflexion. Ou parce qu'en général, je ne cours pas durant plusieurs heures, alors qu'il m'est déjà arrivé de faire des randonnées de 9 ou 10 heures. Il y a peut-être aussi un lien avec la montagne, qui est un environnement qui m'inspire plus. À creuser.

Une tactique plus médicalisée : en 2018, lorsque ma femme était enceinte, j'ai ressenti le besoin d'entamer une psychothérapie, essentiellement pour confronter mes problèmes d'anxiété et pour pouvoir aborder la paternité avec plus de sérénité. Cela aussi a été l'occasion de partager beaucoup de choses que je n'avais pas encore exprimées jusque-là. Le fait d'avoir un interlocuteur pour guider la discussion est de ce point de vue très bénéfique. Je n'ai pas réitéré cette démarche depuis.

La semaine passée, lors d'un voyage à Milan que j'ai effectué seul, j'ai profité des sept ou huit heures de route pour m'enregistrer. Au début, je le faisais uniquement lorsque j'avais envie de m'exprimer. Au bout d'un moment, j'ai juste laissé le téléphone m'enregistrer, me permettant de m'exprimer de manière moins structurée, probablement plus décousue, mais aussi plus spontanément. Je me suis retrouvé avec plusieurs heures d'enregistrements. À mon retour à la maison, j'ai transcrit tous ces enregistrements avec MacWhisper, puis demandé à ChatGPT et Claude de faire des résumés de tout ce que j'avais dit.

Je pense que c'est une expérience à réitérer. Le résultat est assez bluffant et cela permet de concilier le côté naturel, spontané de l'expression orale, avec le côté plus exploitable de l'écrit.

À cette occasion, j'ai pu remarquer que Claude donne de meilleurs résultats que ChatGPT, en tout cas à mon avis et avec les modèles actuels, alors que je pensais justement que ChatGPT était meilleur pour tout ce qui est langue naturelle et que Claude était meilleur pour tout ce qui est programmation. La réalité est que ChatGPT me donne des résumés un peu plus vagues et verbeux, avec de jolis emojis, mais que Claude est plus pertinent, va plus à l'essentiel.

Dans le même esprit, c'est la première fois que j'écris un article sur mon blog en grande partie en le dictant, puis en le corrigeant par la suite. Je trouve cette façon de faire un peu maladroite et déroutante, mais c'est peut-être juste une question d'habitude et c'est quelque chose que j'essaierai à nouveau à l'avenir. 

Je ne sais pas vraiment quelle conclusion donner à cet article. A vrai dire, je viens juste de commencer à prendre conscience que j'avais adopté toutes ces stratégies entre autres pour m'aider à faire le tri dans toutes les idées qui se bousculent dans mon esprit, le principe étant qu'une fois ces idées fixées, voire organisées quelque part, mon cerveau peut passer à autre chose, puis se concentrer sur ce que je juge essentiel. Il y a quelques pratiques que j'ai parfaitement intégrées (journal intime, GTD) et une pratique, celle des enregistrements vocaux, que je redécouvre depuis peu à la lumière de ce que l'intelligence artificielle permet désormais de faire, à savoir des transcriptions de plus en plus précises et des résumés de plus en plus pertinents.

Je vais voir ces prochains mois si l'habitude prend ou si l'enthousiasme que je ressens actuellement vient juste du côté nouveau de la chose. À suivre.

Sunday, August 31, 2025

Ecrire sur n'importe quoi 2

En décembre dernier, j'avais tenté une forme d'écriture libre, pour voir si cela créerait une inertie, un élan, une envie. C'était il y a 8 mois. En 2025, j'ai écrit un article sur mon blog, à propos du top 250 d'IMDb. On peut donc plus ou moins dire que cela n'a pas marché...

Stéphanie me motive à m'y remettre, alors je m'y remets.

L'envie d'écrire, elle, n'a jamais disparu. Alors pourquoi se transforme-t-elle si peu souvent en nouvel article sur mon blog ?

D'abord, il y a le quotidien : le travail, la vie de famille, le ménage, les extérieurs dont il faut s'occuper, l'administratif, les choses essentielles que je n'ai pas envie de faire mais qu'il faut vraiment faire, etc. Tout cela prend déjà énormément de temps. On peut optimiser certaines choses : payer une fiduciaire pour la déclaration d'impôts ou une personne pour faire quelques heures de ménage de temps en temps ; mais il me semble qu'il reste au final un certain nombre d'heures incompressibles qui remplissent déjà beaucoup une journée normale.

Il y a aussi les quatre piliers de la santé : sommeil, nutrition, activité physique, santé mentale. Ces derniers temps, je me remets tranquillement à la course à pied. Lorsque la météo ne le permettra plus, il faudra que je retourne au fitness, mais depuis ce printemps, je préfère courir. C'est plus simple. Cela me prend moins de temps. C'est plus efficace : quelques minutes seulement après avoir quitté la maison, mon rythme cardiaque est déjà fortement accéléré et je commence à transpirer. Avec ces quatre piliers, il y a des cercles vertueux qui se mettent en place. Lorsque je fais de l'exercice physique intense, même un tout petit peu, je dors mieux. Je ressens moins d'anxiété. Je me sens de meilleure humeur. Lorsque je dors bien, j'ai plus d'énergie. Du coup, j'ai plus envie de faire du sport. Lorsque je suis moins fatigué, j'ai moins tendance à mal manger (p. ex. grignotages entre les repas). Etc, etc.

Une fois que tout cela est fait, je peux commencer à travailler sur mes projets et tâches personnelles. Je suis relativement organisé. Cela fait bientôt 20 ans que j'utilise la méthode Getting Things Done (GTD). Mes tâches sont toutes listées, capturées, revues chaque semaine dans mon système Omnifocus. Je sais ce que je dois faire. J'ai juste de la peine à réaliser tout cela. Et je ne crois pas que cela soit un problème de motivation ou d'énergie. En tout cas pas tout le temps.

Cette année, lors de mon point annuel (en décembre et janvier), il me semblait avoir été raisonnable. J'avais listé une dizaine de projets dont j'avais envie de m'occuper en 2025. J'avais estimé leur durée. J'avais estimé le nombre d'heures que j'ai à disposition chaque jour, en prenant en compte toutes les contraintes du quotidien. J'avais listé ces projets par priorité. Un projet à la fois. Aller à l'essentiel. Du début à la fin. Le plan était simple.

Mais je me suis trompé, une fois de plus. Tout prend plus de temps qu'escompté. Il y a toujours des imprévus. Des choses qui deviennent urgentes alors qu'elles n'existaient même pas quelques jours auparavant. Je crois qu'il faut que je travaille sur ce côté "trop optimiste". Je n'aurais pas dû lister une dizaine de projets pour 2025, mais trois ou quatre. Au plus.

Au final, les choses avancent, lentement, mais sûrement. Mais je crois bien que ce sentiment permanent que j'ai trop de choses à faire ne m'incite pas beaucoup à prendre le temps d'écrire sur mon blog. Une activité que je juge moins utile que tout le reste. Conclusion : être moins ambitieux ? Je n'aime pas trop cette idée...

De temps en temps, il y a aussi des projets qui sortent un peu de nulle part et qui accaparent toute ma motivation, mon énergie et mon temps. Au printemps, j'ai réalisé qu'en exploitant les API ("interface de programmation d’application", en français) de l'onduleur de nos panneaux photovoltaïques, du chargeur de notre voiture électrique et du compteur électrique, je pouvais réguler la vitesse de charge de notre voiture et optimiser notre autoconsommation. J'ai donc écrit un programme qui abaisse ou augmente le courant fourni par notre borne de recharge à notre voiture pour utiliser le plus possible l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques et le moins possible l'électricité du réseau électrique. Je suis allé à l'essentiel. J'ai réussi à mettre de côté toutes les idées excitantes que je pouvais avoir, comme utiliser les prévisions météorologiques (encore une API !) pour prédire la production future des panneaux photovoltaïque (du machine learning !). Du coup, j'ai une première version qui tourne depuis plusieurs mois, dans un container Docker, sur un serveur Linux à la maison. C'est une version minimale, toute simple, que je pourrais fortement améliorer, mais elle a l'avantage d'exister en réalité plutôt que sous forme de projet ou dans ma tête uniquement.

Parmi les choses qui font que je ressens moins le besoin d'écrire sur mon blog, il y a peut-être aussi le fait que j'écris un journal depuis maintenant 32 ans. Donc j'écris, tous les jours, juste de manière privée. Cela entame probablement un peu mon envie d'écrire publiquement. Mon fils de 7 ans a aussi un journal, mais c'est ma femme ou moi qui l'écrivons, pour le moment. Encore de l'écriture. Manuscrite, cette fois-ci !

Comme le mentionne Stéphanie sur son blog, on a également moins eu envie d'écrire sur nos blogs avec l'arrivée de Facebook et Twitter. Durant longtemps, on a partagé plus facilement nos idées sous une forme courte sur ces réseaux sociaux. C'est plus facile, plus immédiat, plus gratifiant, avec le système de likes, par exemple. Plus addictif, aussi.

Les réseaux sociaux, j'ai trouvé ça vraiment bien au début. Et puis, il y a eu de la lassitude, pour différentes raisons. Il y a des choses géniales sur les réseaux sociaux, mais aussi beaucoup de négativité. Les gens se disputent facilement. Il y a les fake news et tout le reste. Donc cela fait 4-5 ans que je n'ai rien publié sur Twitter. J'ai répondu quelques rares fois à des tweets, mais rien de plus. J'ai fermé mon compte Facebook personnel début 2023 et ouvert un compte "sans ami" pour pouvoir participer à une poignée de groupes concernant des intérêts personnels, vendre ou donner des objets.

Je rêve parfois d'un retour à un internet plus ouvert, plus public. Je trouve vraiment dommage que des millions de discussions quotidiennes se fassent sur des plateformes commerciales et plus ou moins fermées, telles que Facebook ou Reddit. Ironiquement, je m'en plains régulièrement sur certains serveurs Discord que j'utilise au quotidien... J'aime cette idée de forums publics, indexés par les moteurs de recherche. L'utilisation de pseudos permet de libérer la parole. Alors, oui, il faut de la modération par des volontaires, qui ne sont pas payés par Facebook et compagnie. C'est un peu plus compliqué. Mais, au final, ça me paraît plus sain. Il y a probablement un plus grand sentiment d'appartenir à une communauté, aussi.

Donc je veux bien essayer d'écrire un peu plus souvent sur mon blog, mais je rêve aussi de lire plus souvent mes amis, ma famille, mes collègues et anciens collègues, et aussi tous ces inconnus passionnés qui ne cherchent pas nécessairement à "monétiser leur chaîne YouTube".

Saturday, February 22, 2025

Top IMDb : 2 ans plus tard

Fin 2023, j'ai terminé de regarder tous les films présents alors dans le top 250 d'IMDb. C'était un projet que j'avais commencé en 2014 et qui m'aura donc pris 10 ans.

J'avais déjà écrit un article à ce sujet en 2019, lorsque mon but était d'avoir vu les cent premiers films de cette liste. Comme je l'expliquais alors, l'idée n'était pas de m'imposer des films que je n'avais pas envie de regarder, mais plutôt de découvrir les "meilleurs" films de tous les temps de manière ludique. Une sorte de défi que je me lançais, sur fond de débat à propos de ce qui constitue un bon film et de la pertinence de toutes ces listes de films qu'il faut absolument avoir vus. J'en ai eu des discussions avec mes collègues sur cette question ! Et, finalement, c'est peut-être le plus important, au bout du compte.

En 2024, je me suis laissé aller à regarder "n'importe quoi". J'ai vu des classiques. J'ai vu des dessins animés avec mon fils. J'ai revu des films que je n'avais pas vus depuis très longtemps. J'ai revu un film absolument fascinant que j'avais déjà vu deux ans auparavant (Stalker de Tarkovsky, qui fait peut-être partie de mon top 5), car un bon film, ça peut et doit se regarder plusieurs fois. J'ai aussi vu des films dont je savais qu'ils allaient être moyens, juste parce que j'avais besoin de regarder quelque chose de moyen.

Une question intéressante est de savoir quoi faire des films qui entrent régulièrement dans le top 250 d'IMDb. Par exemple, au moment où j'écris ces lignes, il contient trois films que je n'ai pas vus:

  1. I'm Still Here de 2024 (124)
  2. Maharaja de 2024 (211)
  3. Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba - Tsuzumi Mansion Arc de 2021 (225)

Le premier est un film franco-brésilien qui, à première vue, pourrait facilement correspondre à mes critères de sélection.

Le deuxième est un de ces nombreux films indiens qui entrent et sortent régulièrement du top 250 d'IMDb. Il y a une sorte de biais indien dans le top 250, que je ne suis pas le seul à avoir remarqué. Un site que je consulte régulièrement a même une liste "IMDb Top 250 without India" pour pallier ce problème.

Le troisième est un film d'animation que je n'ai pas la moindre envie de regarder, d'autant plus que pour le comprendre, il faudrait apparemment avoir vu la première saison de Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba, ainsi qu'un autre film de 2020, Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba - The Movie: Mugen Train. Donc non, merci, vraiment, mais non merci.

Ma tactique actuelle est de suivre l'évolution des films grâce au site IMDb Top 250 History. Par exemple, on y voit que Quatorze films de 2018 ont été dans le top 250. Quatre y sont encore. Dix n'y sont plus. En fait, c'est une généralité : une grande partie des films relativement récents qui entrent dans le top 250 n'y restent pas. Or, à l'heure actuelle, si le premier des trois films ci-dessus est encore en train de grimper dans le classement, les deux autres descendent petit à petit. A ce rythme-là, le deuxième film devrait sortir du top 250 d'ici huit mois et le troisième, d'ici deux mois. D'autres films devraient les remplacer et j'espère qu'ils me paraîtront un peu plus intéressants.

Pendant ce temps, je peux consacrer mon temps à des films que j'ai vraiment envie de regarder. Oui, y compris des films moyens et des dessins animés (pardon : "des films d'animation").

Bref, et c'est bien là l'essentiel : tout cela est une sorte de jeu pour moi.

Tuesday, December 31, 2024

Intelligence artificielle générale : sommes-nous prêts ?

Jusqu'à récemment, j'ai toujours eu une attitude positive par rapport à la technologie en général et l'intelligence artificielle en particulier, mais, depuis quelques temps, j'ai un peu plus de peine à maintenir cet enthousiasme.

Au tout début des années 2000, durant mon master en informatique, je me suis passionné pour l'intelligence artificielle, ce qui m'a amené à suivre quatre cours consacrés à ce domaine, dont un, appelé "réseaux de neurones artificiels", que j'ai trouvé absolument fascinant. Cela a été l'occasion pour moi de me familiariser avec les concepts fondamentaux du machine learning, tels que backpropagation, gradient descent, reinforcement learning, etc. Pour moi, il était évident que tout cela, "c'était l'avenir".

Quelques années plus tard, en 2004, j'ai découvert Ray Kurzweil et sa vision très positive de la technologie et de l'avenir. Le progrès technologique est exponentiel. L'intelligence artificielle atteindra un jour le niveau de l'intelligence humaine (intelligence artificielle générale), puis le dépassera. Un peu plus tard, nous assisterons à une explosion d'intelligence. A partir de ce point historique, il est impossible de prédire ce qui va se passer. C'est ce que l'on appelle la singularité technologique. Et, point très important : tout cela arrivera dans les décennies prochaines !

A l'époque, le point de vue de Kurzweil était en avance sur son temps, mais il me semblait fondamentalement plausible. L'idée selon laquelle il serait impossible à l'être humain de produire une intelligence artificielle et de construire des machines capables de réaliser toutes les tâches humaines m'a toujours semblé incohérente. Un énième cas d'anthropocentrisme myope.

Depuis quelques années, les progrès fulgurants s'enchaînent. Les large language models (LLM) ont complètement changé la donne. A l'heure où j'écris ces lignes, il est possible de générer des vidéos de qualité à partir d'une simple description textuelle (modèle Veo 2 de Google). J'utilise Claude d'Anthropic au quotidien, pour m'assister dans mes tâches personnelles et professionnelles, comme alternative ou complément aux moteurs de recherche, pour m'aider à prototyper certaines tâches, etc.

En gros, Kurzweil avait raison et on vit une époque formidable.

Je ne peux toutefois pas me débarrasser d'un sentiment désagréable. Il s'agit de quelque chose d'un peu diffus. Le sentiment que "quelque chose de grave pourrait bientôt arriver". Difficile de mettre le doigt précisément sur le problème.

Tout d'abord, il y a ce sentiment que les choses se passent plus vite que prévu. Il y a 20 ans,  la singularité technologique, c'était pour 2045, donc 40 ans dans le futur. Une éternité, autrement dit. Maintenant, il ne se passe quasiment pas un mois, une semaine, sans qu'une percée ne soit réalisée.

Il y a aussi l'actualité préoccupante : les guerres, la montée du populisme, etc. L'humanité n'est tout simplement pas prête, intellectuellement, moralement, à faire face à l'intelligence artificielle générale. Il y a beaucoup trop de bêtise ambiante, d'ignorance, de violence, un peu partout. Il y a 20 ans, à nouveau, j'étais loin de penser que nous en serions là aujourd'hui.

Ensuite, il y a des craintes très concrètes, basiques, par rapport aux mauvaises utilisations de l'intelligence artificielle. Celle-ci pourra être utilisée pour accélérer la recherche scientifique, trouver de nouveaux médicaments, etc., mais elle pourra aussi l'être pour créer des armes plus puissantes que jamais (pensez par exemple à des drones plus puissants, plus petits, plus rapides) ou pour concentrer encore plus les richesses entre les mains d'une minorité.

La perte de sens, enfin et surtout : si une machine peut réaliser "en un clic" tous les projets, toutes les tâches de ma to-do list, quel sens puis-je encore donner à ma vie ? Les tâches manuelles n'échapperont pas non plus très longtemps à cette automatisation. Si on en parle moins, les progrès dans le domaine de la robotique finiront bien par rattraper ceux du domaine de l'intelligence artificielle à proprement parler. Nous sommes déjà entourés de robots plus ou moins primitifs, certains immobiles, d'autres non : lave-vaisselle, lave-linge, aspirateur robot, robots-tondeuses, robots ménagers, etc. A l'avenir, nous accueillerons forcément parmi nous des robots plus généralistes, capables, à nouveau, de réaliser toutes nos tâches.

Tout cela aussi et dans un contexte où la majeure partie des gens ne semble pas réaliser ce qui est en train de se passer. Il n'y a pas de véritable débat de société. On ne réfléchit pas vraiment à la direction que nous voulons prendre collectivement. Tout le monde est accaparé par son quotidien. Par la politique. Par les réseaux sociaux. Etc.

C'est peut-être le contrecoup de la grippe qui me fait voir les choses de manière aussi sombre. Je ne sais pas.

La peur de l'incertitude, également ? Comme le dit Sam Harris depuis des années, nous faisons face à un risque existentiel. L'intelligence artificielle peut complètement nous détruire. Ou alors nous garantir une prospérité presque sans limite. A l'heure actuelle, je ne sais pas vers quelle issue nous nous dirigeons.

Sunday, December 29, 2024

Grippe

La première fois de ma vie que j'ai eu la grippe, a priori, c'était en décembre 2019, il y a 5 ans. Les choses ont suivi à peu près le même schéma, en 2019 comme en 2024. Au mois de novembre, j'ai fait le vaccin contre la grippe, comme chaque année. Au mois de décembre, mon fils est tombé malade (fièvre, fatigue, etc.). Au bout de plusieurs jours de maladie, nous avons consulté un pédiatre. Cette année en tout cas, celui-ci nous a dit qu'il s'agissait très probablement du virus de la grippe. Et quelque jours plus tard, c'était à mon tour de tomber malade (fièvre, forte fatigue, etc.).

Ce qui me frappe à nouveau, ce ne sont pas les quelques jours les plus pénibles, où la fièvre et la forte fatigue empêchent toute activité ou presque (le travail, en particulier), mais toute la période d'après, le contrecoup, durant lequel je ressens beaucoup de fatigue, presque en permanence. Début 2020, j'ai mis des semaines à m'en remettre. Cette année, j'espère que cela durera moins longtemps, mais pour le moment, ça n'est pas gagné. Mes nuits sont perturbées. Mon nez est irrité. Je tousse. La fatigue est bien là. Pire que cela, certains jours, heureusement derrière moi, il y a même eu de la déprime comme j'en ai rarement connu.

Bref, la grippe, je n'aime pas. 

Il faut noter que l'efficacité du vaccin contre la grippe varie énormément selon les années et les personnes, entre 20% et 80%, apparemment. Toutefois, vu les symptômes qu'impliquent ce virus, je continuerai à me faire vacciner chaque année. Toute baisse de probabilité d'attraper cette calamité est bonne à prendre.

Saturday, December 28, 2024

Ecrire sur n'importe quoi

Mon dernier article date de 2022. Depuis, j'ai commencé à écrire 8 articles, tous à l'état de brouillon, mais je ne suis pas parvenu à en finaliser un seul. Toujours pour les mêmes raisons. Ça n'est pas assez original. Pas assez intéressant. Pas assez utile. Je n'ai pas le temps. Je n'ai plus la motivation initiale. Etc, etc.

Je me suis longtemps dit que pour créer à nouveau une inertie, il me suffisait d'écrire sur n'importe quoi. Forcément, je me suis mis des barrières. Écrire sur n'importe quoi, ça n'est pas très original. Pas assez intéressant. Pas assez utile. Et puis, je n'ai pas le temps. Même 20 minutes.

Alors je me lance. Un peu comme lorsque notre professeur de français, il y a 32 ans, nous demandait, chaque semaine, de prendre une feuille et d'écrire... n'importe quoi. Il fallait remplir en tout cas une demi-page, Je ne sais plus. Peut-être une page. L'exercice était libérateur. Il n'y avait pas de note, donc moins de contrainte. Pas besoin d'être utile. Ou intéressant. Alors on écrivait. Parfois, on parlait de la page blanche (un classique). Parfois, on arrivait à être plus original. Et, oui, parfois, il m'arrivait même d'être assez fier du résultat.

C'était il y a plus de 30 ans. Ce professeur a depuis mal tourné. Il s'est lancé dans la politique. Il défend des idées qui ne sont pas les miennes. Mais son exercice d'écriture libre, c'était une bonne idée. Comme quoi, même les gens qui ont de mauvaises idées peuvent aussi en avoir de bonnes. L'espoir est permis.

L'espoir, c'est important. Il me semble me souvenir que Sam Harris disait que l'espoir, ça n'est pas une bonne chose, parce que ça revient à vouloir que les choses soient autrement que ce qu'elles sont. Une sorte de déni de réalité. Alors parlons plutôt d'optimisme : penser que les choses ne sont finalement pas si mal, que les gens ont de bons côtés, que si les choses semblent aller mal, c'est qu'on n'a peut-être pas fait le tour de toute la question.

Oui : restons optimistes.

Friday, December 30, 2022

4 mois sans me tenir au courant de l'actualité

Je souffre d'anxiété depuis des décennies. Avec le temps, j'ai appris à vivre avec (méditation, sport, gestion du sommeil, psychothérapie, etc.). Cette année, toutefois, mes outils habituels n'ont pas suffi. Entre la guerre en Ukraine, la crise énergétique, la crise climatique et les nouvelles négatives habituelles, je me suis senti à un moment un peu dépassé.

Au mois d'août, durant une discussion avec un de mes collègues, j'ai réalisé l'absurdité de la situation : chaque jour, je lisais des articles anxiogènes concernant des situations que je ne pouvais en rien influencer. Un déclic a eu lieu. En présence de mon collègue, je me suis désabonné de toutes les sources d'actualité que je suivais (essentiellement via Feedly, un aggrégateur de flux RSS). Comme je ne suis abonné à aucun journal, que je ne regarde pas la télévision (et, donc, les journaux télévisés) et que je ne fréquente quasiment plus les réseaux sociaux, je me suis donc trouvé d'une minute à l'autre virtuellement coupé de l'actualité.

J'ai agi comme sur un coup de tête, mais cela faisait en réalité des années que j'y songeais. J'avais déjà lu et entendu d'innombrables fois que notre relation à ce qui se passe dans le monde n'est pas saine, que la quantité d'informations que nous consommons en permanence par rapport à ce qui se passe autant à quelques minutes de chez nous qu'à des milliers de kilomètres a une incidence négative sur notre santé mentale.

Quelques mois auparavant, en mai 2022, je m'étais même abonné à la newsletter Suisse Good (pour "faire le plein d’infos locales et positives"). Mais il ne suffit pas de lire quelques bonnes nouvelles pour compenser le torrent de mauvaises nouvelles dont on nous assène en permanence.

Je ne me rappelle pas exactement du moment où ma relation à l'actualité a changé. Je me souviens toutefois vaguement d'une discussion avec d'autres collègues, en 2011, qui m'avaient alors avoué ne pas du tout suivre l'actualité. A l'époque, cela m'avait presque choqué. J'ai toujours pensé que le fait de se tenir au courant de ce qui se passe dans le monde relève de la responsabilité citoyenne. On ne peut pas prendre de bonnes décisions, en particulier dans un pays qui pratique la démocratie directe tel que la Suisse, sans "savoir ce qui se passe".

Onze ans plus tard, je ne sais toujours pas quelle est la bonne solution. Il ne me paraît en tout cas pas nécessaire de se plonger quotidiennement, voire tout au long de chaque journée, dans l'avalanche d'informations et de détails dont les médias et réseaux sociaux nous gavent continuellement Chaque deux jours alors ? Chaque semaine ? Je ne suis pas sûr que cela ait beaucoup plus de sens.

Pour les votations suisses, il est possible de s'intéresser spécifiquement aux sujets soumis au peuple le moment venu, par exemple en suivant des débats. Pas besoin d'actualités pour cela. J'ai donc l'impression de jouer mon rôle de citoyen correctement.

Pour ce qui est des sujets qui m'intéressent de manière spécifique (musique, science, astronomie, etc.), je suis de toute manière des sources d'informations ou des forums / groupes de discussion spécialisés. Je l'ai toujours fait et continue à le faire. Même plus qu'avant, en fait.

Ensuite, les informations importantes remontent forcément jusqu'à moi, que ce soit par la famille, les amis ou les collègues. Alors, oui, cela ne marche que si toutes ces personnes n'agissent pas comme moi, j'en suis bien conscient, mais, pour l'instant, cela marche bien.

Quoi qu'il en soit, il est difficile d'établir un lien de cause à effet de manière certaine, mais j'ai l'impression que cette "cure de désintoxication" a un effet bénéfique sur moi. Il m'arrive très occasionnellement (une fois chaque 2-3 semaines peut-être) de parcourir un journal, par exemple chez mes parents ou dans un café, et cela ne provoque pas de stress particulier en moi. C'est plutôt bon signe.

Est-ce que je ressentirai à nouveau le besoin de me tenir informé beaucoup plus fréquemment de l'actualité ? Difficile de le dire. Pour le moment, je vais continuer l'expérience, probablement encore quelques mois. L'idéal serait peut-être une source d'informations moins "temps réel", avec un recul de plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Peut-être un podcast ? Si vous avez des suggestions, je suis preneur.

Saturday, May 28, 2022

Un mois sans alcool et caféine

Durant quatre semaines, au mois de février 2022, je me suis complètement abstenu de consommer de l'alcool et de la caféine.

Cela faisait longtemps que j'y pensais, autant pour l'alcool que pour la caféine. J'ai finalement décidé de combiner deux expériences en une, ce qui m'a permis de voir ce que pouvait être ma vie sans la moindre substance psychotrope. C'est une manière de présenter les choses peut-être un peu sensationnaliste, mais, en même temps, l'alcool et la caféine agissent effectivement sur le système nerveux central et je suis régulièrement étonné de constater à quel point la plupart des gens avec qui j'ai pu en discuter consomment ces substances, même à dose modérée, comme si elles étaient parfaitement anodines.

Or, ça n'est pas le cas. Pour l'alcool, cela fait des années maintenant qu'il est plus ou moins clair dans mon esprit qu'il n'y a pas le moindre effet bénéfique sur la santé. Au contraire, durant longtemps, on a pensé qu'une consommation modérée d'alcool pouvait être meilleure pour la santé qu'une abstinence totale, mais il se trouve que cette conclusion est probablement erronée et que les études qui pouvaient le laisser penser étaient mal conçues. Par exemple, certaines d'entre elles ne distinguaient pas du tout les sujets qui n'ont jamais bu la moindre goutte d'alcool de leur vie et ceux qui sont devenus abstinents suite à des problèmes de santé (dépendance ou autre).

Je ne suis pas un grand consommateur d'alcool. Il m'arrive régulièrement de ne pas en boire durant des semaines. Mais il y a aussi des périodes (fêtes, repas, etc.) où je réalise que je dépasse facilement mes limites personnelles qui, à mon âge et à mon poids actuels, se situent à peu près à deux verres de vin, je dirais. Autrement dit, comparé au reste de la population, il serait excessif de dire que je fais des abus, mais un troisième, voire quatrième verre de vin sur plusieurs heures, me rappelle assez vite les inconvénients de l'alcool : somnolence en pleine journée, sommeil perturbé, etc. Parfois, je sens que je peux même devenir un peu plus agressif si l'on me lance sur des sujets sensibles.

Pour la caféine, le problème est tout autre. Au contraire de l'alcool, je suis de plus en plus convaincu que le café est bon, voire excellent, pour la santé. Je tiens d'ailleurs à jour un "journal de santé" dans lequel je note quotidiennement un certain nombre d'informations, dont ma consommation de caféine. Je crois que je l'ai toujours su intuitivement, mais j'ai réalisé en début d'année, en le vérifiant formellement : je consomme de la caféine tous les jours, presque sans exception. Les jours où je n'en consomme pas, c'est parce que je suis malade. Je crois donc pouvoir dire sans trop exagérer qu'avant février 2022, j'ai dû consommer de la caféine quotidiennement ou presque depuis une vingtaine d'années en tout cas.

Et je réalise du coup que je ne me souviens plus lorsque j'ai commencé à boire du café. Durant mes études universitaires ? Probablement. Ce qui est certain, c'est que cette boisson fait complètement partie de ma vie et je voulais voir quelle emprise elle avait sur moi. 

Une motivation secondaire pour mon expérience a été le concept d'inconfort volontaire du stoïcisme (que je pratique aussi sous forme de douche froide, etc.). L'idée est de régulièrement se priver de quelque chose que l'on apprécie pour mieux résister aux aléas naturels de la vie.

Durant quatre semaines, je n'ai donc consommé ni café, ni thé, ni vin, ni bière. J'ai évité également les boissons ou nourritures pouvant contenir de la caféine, comme le kombucha ou le chocolat. Concernant ce dernier point, je dois avouer que, sur la fin, j'ai fait quelques (petites) exceptions...

Durant les premières semaines, je me suis aussi astreint à ne consommer ni café décaféiné ni bière sans alcool, pour mieux comprendre comment ces boissons interviennent dans ma vie en tant que rituels.

En dehors de cela, j'ai essayé de vivre comme auparavant, de faire la même quantité de sport, de dormir aux mêmes heures, etc.

La première semaine a été la plus difficile. J'ai été victime des symptômes de sevrage de la caféine les plus courants : maux de tête, fatigue, anxiété et symptômes dépressifs. Les maux de tête n'ont duré que deux jours. La fatigue a duré plus longtemps. Il m'est arrivé d'avoir envie de faire une sieste en début d'après-midi, ce qui ne m'arrive à peu près jamais sans avoir bu d'alcool. Les symptômes mentaux (anxiété et dépression) ont duré à peu près toute la première semaine. La deuxième semaine a été ensuite nettement plus facile à vivre.

Je ne vais pas m'étendre sur les explications biologiques de ces effets apparemment spectaculaires. Je préciserai juste que les symptômes ci-dessus ne sont pas juste "psychologiques". On n'a pas affaire à un simple effet nocebo. Pour ce qui est des maux de tête, cela est dû à l'effet vasoconstricteur de la caféine. Suite à un arrêt abrupt et complet, il y a donc une phase de rééquilibrage qui doit s'opérer et qui entraînent ces effets relativement intenses. Même chose pour les symptômes anxieux et dépressifs, comme la caféine a un effet sur certains neurotransmetteurs tels que la dopamine. J'imagine aisément que l'équilibre subtil entre tous les neurotransmetteurs étant perturbé, le corps met un moment à retrouver ses marques.

Je mentionnais plus haut l'idée du rituel et j'ai pu m'apercevoir à l'occasion de certains repas de famille à quel point l'alcool et la caféine faisaient partie de nos habitudes : vin blanc à l'apéritif, vin rouge durant le repas et café avec le dessert. C'est surtout le fait de voir les gens autour de moi boire du vin et du café qui a rendu l'exercice un peu plus difficile.

J'ai réalisé que j'étais aussi très attaché au rituel du café au quotidien. Avant de réintroduire le café décaféiné à la troisième semaine, j'ai consommé à la place des tisanes et de la chicorée. Question goût, ça n'est pas complètement mauvais, mais cela ne fait pas illusion. Ce qui ne fait pas non plus illusion, c'est le café décaféiné, que je consomme en général assez peu : le goût est différent, bien entendu, mais il est clair que mon corps est conditionné et "attend" un effet différent, une stimulation, qui n'arrive jamais. Quand on y prête vraiment attention, c'est assez déroutant.

Du côté des effets positifs, je me suis aperçu que je ne ressentais aucunement l'envie de somnoler, voire de faire une sieste, suite à nos repas familiaux. Boire du vin, c'est agréable, mais cela a aussi des conséquences dont on se passerait bien.

A la troisième semaine, je me suis également remis aux bières sans alcool (les bonnes, pas les industrielles) et je crois que je peux définitivement affirmer quelque chose que j'avais déjà remarqué l'année passée : je suis fan. Il y a de plus en plus de choix en matière de bières sans alcool et les meilleures, sans être aussi intéressantes que les bières avec alcool, permettent de passer un très bon moment.

Comme je l'ai écrit précédemment, mon premier café caféiné après quatre semaines d'interruption a eu un effet absolument spectaculaire sur mon bien-être, mon énergie et ma motivation. Il ne pouvait absolument pas s'agir d'un effet placebo. De ce point de vue, il me paraît évident que la caféine n'est pas une substance à prendre à la légère.

Malheureusement, cet effet intense a rapidement laissé la place à un effet beaucoup plus subtil. Difficile de ne pas se dire alors que, dès que l'on consomme du café, il devient obligatoire d'en consommer régulièrement, ne serait-ce que pour éviter les effets désagréables du sevrage. Par exemple, après son abstinence de trois mois, Michael Pollan a essayé de consommer du café uniquement une fois par semaine, au début, mais il a rapidement laissé tomber, tellement ce rythme était difficile à tenir.

Il m'est d'ailleurs arrivé de parler de mon expérience avec des gens qui me disent pouvoir s'arrêter de consommer du café sans aucun problème. Cela me laisse un peu dubitatif. Parviennent-elles réellement à s'abstenir durant plusieurs jours (voire plus) ou pensent-elles juste l'avoir déjà fait ? Sommes-nous inégaux face à la caféine ?

Ce qui est certain est que j'ai la variante AC du SNP rs762551 dans mon génome, ce qui signifie que je métabolise la caféine moyennement lentement. Si je comprends bien, seule une minorité de la population (une personne sur quatre ou cinq ?) possède la variante AA et métabolise la caféine rapidement. Ces personnes sont-elles moins sensibles aux effets perceptibles de la caféine ?

Si je reviens à mon ressenti personnel, il est clair pour moi que mon bien-être subjectif a été clairement réduit durant mes quatre semaines d'abstinence. Si j'en crois mon journal de santé, mon anxiété et mon humeur ont tous les deux chuté de 0.1 à 0.2 point (sur une échelle sans unité allant de 0 à 4) durant ma période d'abstinence. Autrement dit, elles étaient toutes les deux supérieures avant et après.

Durant la même période, la qualité subjective de mon sommeil et la fatigue ressentie durant la journée ont chuté de 0.2 à 0.4 point.

Paradoxalement, si mon Apple Watch a mesuré une chute de la durée de mon sommeil de 12 minutes par nuit, elle a aussi continué à constater une baisse après la fin de la période d'abstinence. Sur ce point, sachant que le tracking du sommeil est particulièrement approximatif sur l'Apple Watch, je préfère m'en référer à mon ressenti subjectif durant la journée, à défaut de mieux.

Anecdotiquement, mes acouphènes ont été légèrement pires (0.1 point), mais j'imagine qu'il y a un lien avec la fatigue.

Mon rythme cardiaque au repos (resting heart rate) est resté à peu près stable avant (59.1 BPM), pendant (59.7 BPM) et après (58.0 BPM).

Ma variabilité de la fréquence cardiaque (heart rate variability) varie elle-même beaucoup d'une semaine à l'autre, donc je ne suis pas sûr que les valeurs observées me disent quoi que ce soit. Il y a toutefois eu une augmentation (un changement bénéfique, donc) entre avant (61.6 ms), pendant (82.5 ms) et après (53.8 ms). Selon les quelques études que j'ai pu trouver, la caféine ne devrait toutefois pas influencer négativement (donc faire baisser) la variabilité de la fréquence cardiaque. C'est un point qu'il vaudrait peut-être la peine de suivre d'un peu plus près.

Mon poids n'a pas changé, à quelques centaines de grammes près.

Mon nombre de calories actives (calories dépensées en mouvement, activité physique, etc.) est resté stable avant et pendant, mais a chuté d'environ 20 kcal après. Je ne sais pas à quel point cela est significatif.

Quant au taux d'oxygène dans le sang, VO2 max et rythme respiratoire, je ne pense pas que l'Apple Watch mesure ces valeurs suffisamment précisément pour que cela vaille la peine de les examiner.

Dans tous les cas, il ne s'agit d'un test que sur une seule personne (N=1), sans groupe de contrôle et sans placebo. Les conclusions que je tire de mon expérience sont relativement limitées.

Toutefois, et cela rejoint les conclusions de Michael Pollan, je conclus tout de même que je préfère vivre en consommant régulièrement de la caféine, pour le bien-être qu'elle me procure. Si l'on ajoute à la balance que le thé vert et le café sont globalement bons pour la santé, je ne vois du coup pas l'intérêt de s'en priver, à part pour des raisons éthiques et écologiques (ce qui n'est certes pas négligeable).

Ce que j'ai changé depuis quelques semaines, c'est que je ne consomme plus de caféine dès midi, à l'exception des quelques milligrammes contenus dans les cafés décaféinés. Auparavant, j'arrêtais d'en consommer vers 15h, sans toujours respecter strictement cette limite (thé vers 17h, par exemple). Sur ce point, c'est essentiellement Matthew Walker (auteur du livre Why We Sleep) qui m'a fait changer d'avis. Ce changement me semble  pour l'instant sain et parfaitement supportable.

Du côté de l'alcool, l'expérience m'a un peu moins apporté. Je savais déjà que j'étais capable de m'en passer durant des semaines, sans que je ressente de manque. Ce qui a changé, c'est que j'essaie désormais d'éviter un peu plus systématiquement une consommation tard dans la journée, à cause de l'impact négatif de l'alcool sur le sommeil (profond, en particulier). Je ne suis pas encore prêt à m'abstenir totalement : l'alcool, à dose modérée, a un certain rôle de "lubrifiant social".


Tuesday, March 8, 2022

Premier café après un mois

Hier matin, j'ai bu mon premier café depuis un mois. J'écrirai plus longuement sur mes semaines d'abstinence, mais je voulais me concentrer un peu plus sur cette journée d'hier, car l'expérience a largement dépassé mes attentes : je m'attendais à ressentir un effet notable, mais pas à ce point-là. 

Durant plusieurs heures, j'ai très clairement ressenti un niveau d'énergie, de motivation et de bien-être supérieur à la normale. Que ce soit durant mes activités physiques (sport du matin) ou intellectuelles (travail), j'avais l'impression d'être tiré vers l'avant ; j'avais naturellement envie d'enchaîner les choses, sans que ce soit un effort. Par rapport aux semaines précédentes, c'était comme si un voile s'était levé.

Le phénomène était à la fois subtil (je n'étais pas agité ou incapable de me contenir), mais trop évident pour qu'il s'agisse d'un effet placebo.

Sans vraiment que ce soit calculé, mon premier café s'est avéré être un lungo, qui contient plus de caféine qu'un espresso. Il se trouve que j'avais aussi décidé de très peu manger le matin, comme je faisais du sport, ce qui a potentiellement accéléré la métabolisation de la caféine. Ce sont deux éléments qui expliquent peut-être l'effet particulièrement important que j'ai ressenti hier.

Je ne m'attends pas à ce que mes cafés de ces prochains jours aient le même impact, mais je suis curieux de voir si je peux trouver un rythme un peu plus sain qu'auparavant et me permettant de maximiser l'effet psychoactif de la caféine sur la durée (i.e. de réduire l'accoutumance). Pour le moment, il me semble qu'un café 30-60 minutes après m'être levé et un second café en fin de matinée pourrait être un bon protocole. On est loin des 5-6 cafés quotidiens que je pouvais boire il y a 5-10 ans !

Mise à jour (9 mars 2022). J'étais passé à côté du fait que Michael Pollan avait publié un livre à propos de la caféine, de son histoire et de son impact sur l'humanité. Il parle avec Joe Rogan de son expérience sans café et de sa première tasse de café après trois mois d'abstinence, qu'il compare - et cela ne m'étonne pas trop - avec l'effet de la cocaïne.

Tuesday, February 22, 2022

Point méditation : 2022

Depuis mon dernier point en 2020,  j'ai continué à méditer de plus en plus régulièrement : 338 fois en 2020 et 364 fois en 2021. Oui, 364 fois, pas 365 fois. J'ai oublié de le faire un soir. J'avais probablement prévu de méditer juste avant d'aller dormir, puis ai oublié de le faire. Depuis, j'essaie d'éviter de méditer juste avant d'aller au lit. Le contexte n'est de toute façon pas optimal, la fatigue rendant la concentration plus difficile.

Même si je médite désormais tous les jours, mon but reste en réalité de méditer "plus ou moins tous les jours" : dailyish, comme l'explique Oliver Burkeman. C'est juste qu'en pratique, j'aime prendre le temps de m'arrêter de faire ce que je suis en train de faire, m'assoir et me concentrer sur ma respiration, mon corps ou une voix. Cela me fait du bien. Donc je me retrouve à le faire tous les jours, sans vraiment que ce soit un véritable effort. Il m'est également déjà arrivé en 2022 de méditer plusieurs fois un même jour.

Le but, ces dernières années, était d'intégrer un peu plus la méditation à ma vie de tous les jours. Avec un enfant en bas âge, c'est important. J'en suis donc arrivé à varier la durée de mes sessions, ainsi que leur contenu, plutôt que m'astreindre à une durée et une technique fixes. En moyenne, ces deux dernières années, je médite un peu moins de dix minutes par session.

Quant au contenu, il m'arrive très souvent de méditer juste avec un timer. Le reste du temps, j'utilise toujours l'application Waking Up de Sam Harris, mais en suivant des séries de sessions, plutôt que la méditation du jour de Sam : Effortless Mindfulness (Loch Kelly), Consolations et Contemplative Action (David Whyte), The Spectrum of Awareness (Diana Winston), The Stoic Path (William B. Irvine) et The Koan Way (Henry Shukman).

Certaines de ces sessions sont des méditations guidées au sens où on l'entend généralement. D'autres sont plus des sortes de cours (par exemple celui sur le stoïcisme) ou des essais à consonances poétiques (David Whyte). J'ai donc appris que la méditation n'était pas forcément ce à quoi on peut s'attendre : être pleinement conscient d'une personne qui parle est déjà un exercice de méditation, quoique l'on parlera peut-être plus de mindfulness dans ce cas.

Sam rapporte d'ailleurs que certaines personnes se plaignent qu'il parle trop durant ses sessions. Il explique donc régulièrement que c'est voulu. Méditer, c'est s'entraîner à être pleinement conscient quoi qu'il arrive. Idéalement, on essaiera d'être bien assis, dans un endroit calme, mais il devrait être aussi possible de le faire en étant mal installé (mon cours vipassana insistait bien sur ce point !), dans un endroit bruyant. Ou, en l'occurrence, en présence d'une personne qui parle en continu.

Enfin, quant à l'utilité de la méditation, ces deux dernières années ont coïncidé avec les 2 et 3 ans de mon fils, donc avec une période de crises assez violentes. Difficile de savoir comment j'aurais vécu cette période sans méditation, mais j'ai l'impression que s'entraîner quotidiennement à accepter ses émotions (positives ou négatives) aide à rester plus patient face à un être qui, lui, est complètement débordé par ses émotions négatives (colère, frustration, tristesse, etc.).

De ce point de vue, je considère la méditation comme un outil très utile pour apprendre à mieux se connaître et donc, au final, à mieux vivre.