Tuesday, September 20, 2016

10 ans

Cela fait dix ans exactement que j'ai publié mon premier article sur ce blog. J'y ai depuis publié 90 articles, dont 60 rien que ces cinq dernières années. A l'époque, Blogger me semblait être un choix raisonnable pour m'exprimer publiquement sur internet. Il y a fort à parier que j'opterais aujourd'hui pour une alternative (Medium, self-hosting, etc.).

Ça n'est qu'en juin 2007, respectivement en février 2008, que j'ai ouvert un compte sur Facebook, respectivement sur Twitter. A l'exception d'une "pause Facebook" de plus de deux ans entre 2014 et 2016, je me suis également beaucoup servi de ces deux réseaux sociaux pour m'exprimer et débattre.

A l'heure actuelle, mon blog est complètement public, indexé par les moteurs de recherche, mais, paradoxalement, c'est l'espace où je me sens le plus libre pour m'exprimer. Noyé dans la masse, dénué de toute dimension de réseau social, il est automatiquement moins visible, moins scruté. Au contraire, sur Facebook, je sais que chacun de mes statuts sera vu en tout cas par quelques dizaines de personnes que je connais. Je me sens donc obligé de peser mes mots, en quelque sorte. Si je ne le fais pas, je sais que je risque de m'exposer à des réactions parfois négatives. Rien d'insurmontable, mais il est parfois usant de débattre, surtout lorsqu'on ne pensait pas provoquer de polémique...

Il y a dix ans, donc, je publiais sur ce blog un résumé d'un livre qui m'avait beaucoup marqué : The Singularity is Near, de Ray Kurzweil. C'est un sujet qui m'intéresse toujours au plus haut point, mais, en dix ans, les choses ont quelque peu changé.

Ray Kurzweil est devenu depuis un peu moins actif, du moins publiquement. A ma connaissance, il n'a publié que deux livres depuis 2006 : Transcend en 2009, ainsi que How to Create a Mind en 2012. Après ce dernier livre, il a été engagé chez Google, en décembre 2012. Quelques articles sortent régulièrement sur son travail dans cette entreprise, mais il est difficile de se faire une idée de la réalité de son travail au quotidien. Ce qui est certain, c'est qu'il semble toujours aussi peu convaincu par l'argument de la chambre chinoise de John Searle...

Parallèlement, le concept de singularité technologique, que Kurzweil a participé à vulgariser, semble véritablement se démocratiser. Il y a quelques semaines, dans un restaurant de campagne, j'entendais deux personnes à une table proche de la nôtre discuter de la singularité, entre deux discussions concernant l'actualité. Il y a dix ans, cela m'aurait beaucoup surpris. De nos jours, cela est devenu parfaitement banal (ou presque).

Il faut dire que l'intelligence artificielle, le machine learning et le deep learning sont en plein essor. Si la recherche dans le domaine de l'intelligence artificielle a régulièrement vécu ce que les chercheurs ont appelé des "hivers de l'intelligence artificielle" (AI winter, en anglais), on a plutôt l'impression en ce moment de vivre des moments de frénésie. Il y a eu les succès médiatiques, comme Watson en 2011 et AlphaGo en 2016, mais aussi des succès grand public, comme les algorithmes de reconnaissance vocale utilisés par Siri, Cortana, Google Now, Amazon Echo et autres. Les algorithmes de reconnaissance faciale, reconnaissance de caractères, tagging automatique de photos, etc. sont également devenus monnaie courante. Et, si j'avais parié à l'époque sur des voitures sans conducteur "qui marchent" en 2024, je ne serais désormais plus étonné de les voir apparaître bien plus tôt.

L'optimisme presque sans limite de Ray Kurzweil a aussi laissé place à une certaine inquiétude : si l'intelligence artificielle peut améliorer notre quotidien, on peut aussi facilement imaginer qu'elle serve à rendre réels les pires scénarios de films de science-fiction. Tant que les robots et les armes autonomes restent sous le contrôle des êtres humains, nous n'avons pas trop de souci à nous faire, mais, en tant qu'ingénieur logiciel, je sais que les bugs et les comportements imprévus sont très difficiles, voire impossibles, à éviter. D'où les avertissements réguliers de personnalités telles que Stephen Hawking, Elon Musk ou Bill Gates : nous devons dès à présent réfléchir à des moyens de nous assurer que l'intelligence artificielle ne se retournera jamais contre nous.

Après l'optimisme et l'excitation, la prudence et la maturité, donc. Je ne sais pas ce que les dix prochaines années nous réservent, mais je suis prêt à parier que le temps finira par donner raison à Kurzweil, qui a pourtant longtemps été considéré comme un utopiste.