Wednesday, September 30, 2015

Souffrances bovines et esclavagisme

Cet article est une réaction à un épisode récent d'un podcast semi-privé, dont le thème est la consommation de la viande et les questions éthiques que cette consommation implique. Les deux auteurs de ce podcast ne sont pas (encore) végétariens.

Le point de départ de la discussion est qu'il est immoral de manger de la viande, principalement à cause de la souffrance animale que la production de la viande entraîne. Cela aurait pu être la conclusion de l'épisode, mais je trouve encourageant qu'il s'agisse au contraire uniquement d'une introduction et que la majeure partie de la discussion tourne autour des implications de ce constat.

Globalement, j'ai trouvé cet épisode rafraîchissant. Comme je suis végétarien depuis 1997, le végétarisme est pour moi quelque chose de naturel, même s'il est une source de questionnement permanent, et j'ai plutôt l'habitude de lire et d'écouter d'autres végétariens ou végétaliens discuter de leurs problèmes.

Ma première réaction est la réalisation que je n'avais pas autant intellectualisé ma démarche il y a 18 ans. C'est à la fois positif, car cela m'a probablement permis de faire le pas plus facilement, et négatif, car certaines questions ne me sont venues à l'esprit que bien plus tard et j'ai par conséquent le sentiment d'avoir un peu perdu mon temps, en quelque sorte. J'aurais pu faire plus, plus tôt.

Ma deuxième réaction générale est que le conséquentialisme a ses limites. Lorsqu'on commence à se demander si la souffrance qui correspond au quart d'un oeuf est supérieure ou inférieure à la souffrance d'un groupe d'amis non-végétariens qui doit changer de restaurant parce qu'un premier restaurant ne propose pas de plat végétarien (ou végétalien), c'est qu'il est probablement temps de devenir un peu plus pragmatique (un vilain mot que je n'utilise que lorsque j'y suis contraint par les circonstances).

Les points sur lesquels je suis d’accord :

  • En tant que végétarien, faire la morale est contre-productif. Essayer de dégoûter ou culpabiliser ses amis et sa famille ne mène pas à grand-chose. C'est en tout cas une stratégie qui risque de ne pas durer très longtemps, pour des raisons évidentes. Personne n'apprécie les donneurs de leçons.
  • Il est possible de montrer l'exemple. “Lead by example” est l'expression qui a été utilisée en anglais. C'est une bonne alternative à la leçon de morale. Être végétarien, en toute simplicité, c'est montrer aux autres qu'il est possible d'être végétarien. C'est d'ailleurs une stratégie qui peut s'appliquer à d'autres domaines. Par exemple, si les circonstances semblent propices, le fait de se déclarer athée, sans faire de prosélytisme, peut montrer que l'absence de croyances est parfaitement normale.
  • Arrêter de manger de la viande ne suffit pas. Le fait que je sois végétarien, en soi, à l'échelle d'une vie, représente quelques vies animales sauvées. Peut-être quelques dizaines ou centaines, si on compte les poules et les poissons. Il est possible de faire mieux en encourageant, directement ou indirectement, les autres à consommer moins de produits animaux. Comment le faire ? C'est une question difficile. J'ai tendance à avoir une vision pessimiste de la chose. Récemment, j'ai participé (modestement) à la compagne de crowdfunding qui a permis l'ouverture du premier restaurant végétalien de Lausanne (Veganopolis). Mais il est rare que j'aie véritablement l'impression de faire quelque chose de concret pour faire avancer la cause animale.
  • La problématique est subtile/graduelle/progressive. Tuer dix vaches, c'est mieux que d'en tuer vingt. Manger peu de viande, c'est mieux que d'en manger beaucoup. Etre végétalien, c'est mieux que d'être végétarien. A mon sens, tuer un moustique, c'est mieux que de tuer une vache. Toutes ces "règles", presque évidentes, sont des moyens de naviguer dans le "paysage moral", mais, à mon avis, elles ne doivent pas devenir des excuses ("Je mange moins de viande. C'est suffisant."). Aussi, elles doivent permettre de se rendre compte que la souffrance animale n'est qu'un problème parmi d'autres (écologie, conditions de travail, etc.). Il est donc important d'inscrire le végétarisme dans une démarche plus globale, la plus cohérente possible. Après, comme je l'ai dit plus haut, une approche conséquentialiste peut vite devenir difficile, en pratique.
  • Le passage de non-végétarien à végétarien est relativement difficile. En réalité, je ne me souviens plus vraiment. C'était à la fin des années '90. Je me souviens d'une chose, c'est que ma démarche a été progressive, en ce sens que j'ai continué à manger du poisson durant plusieurs mois (ou années ?) et que la tradition des fondues à base de viande (chinoises et autres) des fêtes de fin d'année a résisté durant plusieurs années. Ce qui est une certitude est que le végétarisme ne représente, au quotidien, plus la moindre difficulté à mes yeux.
  • L'impact écologique de la production de la viande est également important. C'est également une problématique plus facile à expliquer aux gens, plus objective. Celle de la souffrance et, donc, de la conscience animale, relève un peu plus de la philosophie. Elle est plus abstraite, en tout cas.
  • Ne pas être végétarien, c'est la voie facile. C'est le plus souvent la voie par défaut. La plupart des pays dits occidentaux ont une culture de la viande, transmise généralement de parents à enfants. L'industrie, les magasins, les restaurants, les cantines scolaires, etc. tendent à encourager le maintien d'un status quo. Sortir de cette culture représente donc un véritable effort, tout du moins au début.
  • La souffrance animale est le plus souvent invisible. L'industrie de la viande dépend en grande partie de l'invisibilité de cette souffrance. Aucune publicité pour la viande ne mettra en scène l'exécution des animaux dans les abattoirs. Pas difficile de s'imaginer pourquoi. Personne n'a envie de voir cela. Il y a là une hypocrisie fondamentale.
  • La viande, c’est bon. A nouveau, je n'en suis plus vraiment sûr, comme je n'en ai pas mangé depuis longtemps, mais je me souviens avoir été un consommateur enthousiaste de charcuterie, fondues chinoises et autres. Il est par contre important de réaliser que le régime végétarien est bien plus vaste que la plupart des gens se l'imaginent. Quelque part, c'est aussi un goût qui s'acquiert avec le temps, comme le vin ou la bière. La première fois que j'ai bu du "lait" de soja, je n'ai pas du tout aimé ça, trouvant que ça ne ressemblait pas à du lait de vache. Maintenant, je m'imagine difficilement m'en passer. Un autre problème est celui de la masse critique : plus il y aura de végétariens, plus il y aura de choix dans les magasins et les restaurants, et plus il y aura de bons produits végétariens.
  • Être végétalien/vegan est plus difficile qu'être végétarien. J'essaie depuis deux ans d'être le plus végétalien possible, donc j'en sais quelque chose. Baisser drastiquement sa consommation de lait, fromage et oeufs est par contre assez facile. Il y a deux week-ends, j'ai eu l'occasion de manger un menu végétalien gastronomique en six plats. Les choses vont dans le bon sens. Lorsqu'il y aura plus de végétariens, être végétalien/vegan devrait aussi devenir plus facile/évident.

 Les points sur lesquels je ne suis pas d'accord ou qui demandent des précisions :

  • Manger du poisson est moins problématique. En particulier, j'ai trouvé un tout petit peu choquant le passage concernant l'asphyxie des poissons qui ne dure "que quelques minutes", ce qui serait moins comparé à la souffrance d'une vache maltraitée toute sa vie. Dans l'absolu, cela pourrait avoir un certain sens, toujours dans un système conséquentialiste. Mais nous n'avons toujours pas de théorie de la conscience qui tienne la route. Difficile donc de savoir ce que ressent réellement un poisson qui meurt asphyxié. J'espère qu'effectivement, les poissons ressentent moins la douleur que les mammifères, par exemple, mais je ne peux pour l'instant pas en être certain. Un autre problème est qu'environ cent milliards de poissons sont pêchés chaque année. Cela représente beaucoup d'asphyxies... C'est aussi environ 300 fois plus d'individus tués que pour les vaches, boeufs et veaux. Enfin, n'oublions pas le problème écologique que la pêche représente (surpêche, etc.).
  • L'utilisation du terme "extrémiste". Ce n'est pas la première fois que je l'entends dans le contexte du végétarisme/végétalisme, pour désigner quelqu'un qui arrêterait complètement de manger de la viande (par opposition à une consommation réduite de viande). Il y a trois ans, je m'étais déjà exprimé sur le sujet, mais dans un autre contexte. Pour moi, l'extrémisme, dans le domaine de la défense de la cause animale, correspondrait plutôt à des actions violentes ou illégales, comme la libération d'animaux de laboratoire, le vandalisme ciblant des magasins vendant de la fourrure, voire des meurtres de personnes impliquées dans la souffrance animale.
  • Ne plus manger de viande peut avoir un avantage économique. Globalement, la viande est relativement chère. Mais le végétarisme est associé à une prise de conscience plus large. A partir du moment où l'on cesse de manger de la viande, on va aussi souvent chercher à manger bio et local, par exemple, ce qui a tendance à tirer les prix vers le haut, surtout dans un pays comme la Suisse.
  • Etre végétarien mène à des carences. Sur le fond, je suis d'accord qu'il faut se documenter et manger équilibré, mais on m'a tellement souvent demandé comment je faisais pour compenser le manque de protéines, fer ou autres que cette problématique est pour moi largement surévaluée. Une sorte de mythe, quoi. Ma réponse est quasiment toujours la même : il y a énormément d'aliments contenant des protéines, du fer, etc. Je peux de plus aisément m'imaginer que quelqu'un mangeant de la viande puisse avoir un régime complètement déséquilibré (voire dangereux).
  • Le végétarisme est un handicap social. Oui, être végétarien, lorsque l'on sort avec des amis ou de la famille peut être un léger problème, mais, même en Suisse Romande, région relativement peu végétarienne, il faut vraiment chercher longtemps pour trouver un restaurant qui n'aurait absolument rien de végétarien à la carte ou qui ne serait pas d'accord de faire un plat spécial pour un végétarien. Mon expérience personnelle (et donc anecdotique) est que le végétarisme est plutôt quelque chose de facile à prendre en compte, comparé à quelqu'un qui n'aimerait pas un style de cuisine en particulier (japonais ou mexicain, par exemple) ou à quelqu'un qui serait allergique/intolérant au gluten (ou qui prétendrait l'être - c'est très à la mode). Etre invité chez quelqu'un peut être plus problématique, mais c'est aussi l'occasion "d'éduquer" cette personne, en quelque sorte. Et il est toujours possible de proposer d'apporter à manger.
  • Le lait, le fromage et les oeufs sont moins problématiques que la viande. La problématique des conditions de vie des vaches laitières et des poules pondeuses est à peu près la même que dans le cas de la production de viande. A cela s'ajoutent des problématiques supplémentaires. Pour qu'une vache produise du lait, il faut qu'elle ait des veaux, qui lui sont retirés très vite (souffrance de la séparation de part de d'autre). Dans le cas des oeufs, les poussins males sont supprimés (encore très souvent en étant broyés vivants, si je comprends bien). Bref, il ne faut pas sous-estimer les problèmes éthiques soulevés par les industries du lait et des oeufs.
  • Un végétarien a des envies irrésistibles de viande, au début. Je ne sais pas si c'est quelque chose qui a été réellement dit dans le podcast ou s'il s'agissait juste d'une interrogation, mais je ne me souviens pas que cela ait été le cas pour moi. Ou cela n'est du moins pas le cas depuis très longtemps. A l'heure actuelle, l'idée de manger de la viande de me dégoûte pas, mais me paraît en même temps très peu naturelle. C'est quelque chose qui me laisse indifférent, en fait. Pour conclure, je dirais que je n'attends pas l'arrivée de la viande synthétique avec impatience pour pouvoir enfin manger de la viande à nouveau, mais uniquement parce que cela résoudra le problème de la souffrance animale à large échelle.

J'aimerais encore revenir sur un point, celui du tabou de la question "Pourquoi es-tu végétarien ?" Dans mon cas, il ne s'agit absolument pas d'un tabou, mais il est vrai qu'après toutes ces années, je trouve encore cette question difficile, pour plusieurs raisons :
  • J'ai entendu cette question des centaines de fois. La personne en face de moi pose cette question peut-être pour la première fois de sa vie, mais le sentiment de devoir se justifier est toujours un peu lourd à porter. Je dirais que cela va mieux depuis quelques temps, toutefois.
  • Il est difficile d'y répondre sans juger indirectement la personne en face. En résumé, je réponds que je suis végétarien pour des raisons éthiques. Ce que je ne dis pas, mais qui pourrait se déduire assez vite de ma réponse, c'est que toute personne mangeant de la viande (donc y compris la personne en face de moi) agit de manière immorale. Je ne le dis pas, mais je le pense. C'est une conclusion logique. Cette peur de juger quelqu'un en face de moi (pas sur un blog, par texte interposé) me met mal à l'aise et je dois encore m'y habituer.
  • J'ai l'impression qu'il est difficile, voire impossible de changer les choses. C'est ma vision pessimiste des choses à laquelle j'ai déjà fait référence plus haut. A quoi bon m'expliquer sur mon végétarisme, puisque je n'ai jamais réussi à "convertir" qui que ce soit ? Je reconnais que je dois travailler sur cette vision et essayer de parler de mon végétarisme de manière beaucoup plus enthousiaste/positive.

Je conclurai en disant que le végétarisme et le végétalisme, c'est comme les mathématiques. On peut se perdre dans les méandres d'une éthique conséquentialiste et se demander quel est le coût (au sens utilitariste du terme) de chacun des aliments que l'on consomme, comparer une souffrance d'une minute d'asphyxie de poisson avec celle de trois amis changeant quatre fois de restaurant, mais, au bout du compte, il devient plus élégant d'effectuer une généralisation et d'arriver à une équation simple. Ne pas manger du tout de viande est donc pour moi la voie à privilégier sur le long terme, même si le fait d'en manger une fois par année ne ferait, au bout du compte, quasiment aucune différence.

Sunday, September 27, 2015

Ma rencontre avec Prince

Le titre de cet article est un clin d'oeil à mon article précédent, "Rencontre avec Matthieu Ricard". J'aimerais, ici, rendre hommage à toutes ces personnalités publiques - écrivains, musiciens, réalisateurspenseurs, etc. - dont les oeuvres et les idées jalonnent nos vies, nous changent, nous bouleversent, pour finalement nous définir.

Le lien avec mon article précédent, c'est aussi la méditation. Ces derniers jours, Andy Puddicombe, dont je suis le cours de méditation guidée Headspace, propose en guise d'exercice pratique d'essayer de percevoir les situations de nos vies quotidiennes comme s'il s'agissait d'un rêve, pour leur donner un caractère de légèreté. Tout en reconnaissant leur caractère réel. "Could it be?", demande-t-il à la fin d'une session que j'écoutais récemment.

Il s'agit d'un exercice difficile, que je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Mais l'idée est fascinante. Ce lien entre rêve et réalité est évidemment un thème classique, que l'on retrouve dans bien d'autres domaines que la méditation. Je pense par exemple à la filmographie de David Lynch.

Cet exercice, que je suis censé réaliser tout au long de mes journées, m'a mené à un questionnement différent, celui de la relation entre nos souvenirs et les rêves. Comment être certain que nous n'avons pas rêvé certains de nos souvenirs lointains ?

J'en reviens à Prince. Ma première rencontre avec lui - au sens figuré - date de 1989. Comme je l'expliquais il y a deux ans, il s'agissait d'un pur hasard. Mais il s'agissait aussi d'un moment charnière, qui a défini mes goûts et intérêts musicaux pour le quart de siècle à venir.

Neuf ans plus tard, en 1998, je l'ai vu pour la première fois en concert, à Zürich. Depuis, j'ai eu la chance de le voir sept autres fois, dont deux fois à Montreux en 2013.

Et puis, il y a ce moment particulier, furtif, qui semble maintenant un peu irréel. L'ai-je rêvé ? Je ne pense pas, mais je n'en ai quasiment aucun preuve. Du moins, je ne connais personne qui puisse en témoigner.

C'était le 31 octobre 2002, à 1h30 du matin, au club Kaufleuten à Zürich. Quelques heures auparavant, j'avais eu la chance d'assister à un soundcheck au Hallenstadion en présence de quelques centaines de fans - un privilège réservé aux membres du NPG Music Club -, puis à un concert de plus de deux heures avec, cette fois-ci, plus de 12'000 personnes.

Une afterparty avait été annoncée juste après le concert et je me suis empressé de m'y rendre, Prince profitant parfois de ces occasions pour jouer ses fameux aftershows, ces concerts bien plus déstructurés qu'il aime faire tardivement dans des petites salles de concerts, juste après les gros concerts des tournées officielles. Cette nuit-là, mon statut de membre du NPG Music Club m'a permis d'entrer facilement au Kaufleuten, sans faire de queue, alors que, quatre ans auparavant, arrivé en retard, j'étais resté devant les portes de ce club, bondé, pendant que Prince et son groupe jouaient...

Peu après mon arrivée, je me suis installé près de la scène, à tout hasard. Une personne m'a abordé pour me questionner au sujet de mon bracelet coloré. Je lui ai expliqué le fonctionnement du NPG Music Club, qu'il semblait ne pas connaître.

Malheureusement, ce soir-là, Prince n'était pas d'humeur à jouer encore une fois. Une main agitée depuis le balcon VIP en direction de ses fans. Une fois. Deux fois. La scène toujours vide. Au bout d'un moment, il a fallu me rendre à l'évidence : il n'y aurait pas d'aftershow.

Prince s'est toutefois décidé à descendre de son balcon, pour rejoindre la scène, désespérément vide, avec ses musiciens. Et c'est là que j'ai rencontré Prince pour la première fois, au sens propre, cette fois-ci. Je lui ai tendu et serré la main. J'ai peut-être esquissé un timide "hi". Je ne sais plus. Une simple poignée de main. Un instant qui aurait été anodin s'il ne s'était pas agi de mon idole musicale.

Tout était pardonné.

Merci, donc, Prince. Nous avons nos différends intellectuels - Témoin de Jéhovah, vraiment ? -, mais, musicalement, cela fait plus d'un quart de siècle que tu m'accompagnes, avec ta folie et ton côté décalé. Continue à ne rien faire comme les autres. Entre deux moments frustrants, tu arrives toujours à me toucher.

Saturday, September 12, 2015

Rencontre avec Matthieu Ricard

Le week-end passé, je me suis rendu pour la première fois à la manifestation Le livre sur les quais, à Morges, sur les rives sur Lac Léman. Cela faisait quelques années que nous voulions y aller. Nous avons enfin pris le temps de le faire.

Le fait que j'aille à une telle manifestation pourrait paraître étrange, vu ma résolution de ne lire plus que des livres électroniques, mais j'ai découvert avec plaisir toute une dimension que je ne connaissais pas jusque alors : la rencontre avec les auteurs.

En bref, nous avons eu l'occasion de suivre une conférence de Matthieu Ricard, une interview de Martin Suter, une table ronde avec plusieurs historiens ("Les mythes de l'histoire suisse"), ainsi qu'une lecture de Nancy Huston.

La conférence de Matthieu Ricard avait lieu sur un bateau, le Lausanne de la CGN, qui a navigué sur le Lac Léman durant plus d'une heure et demie. En soi, le concept était déjà intrigant. Je dois reconnaître toutefois que, passés les premiers moments d'étonnement, je n'ai plus beaucoup prêté attention au paysage et me suis concentré sur la conférence en elle-même.

Je n'étais pas très familier avec la vie et l'oeuvre de Matthieu Ricard. Cette rencontre a donc été l'occasion pour moi de découvrir quelqu'un dont je me suis senti beaucoup plus proche que prévu. Parmi les trois éléments principaux qui nous lient, il y a la science, le végétarisme et la méditation. Ricard a également fait référence à plusieurs personnes avec lesquelles je suis familier (André Comte-Sponville et Steven Pinker, entre autres). Cela a eu pour effet de me mettre en confiance, en quelque sorte.

Le côté religieux de Ricard aurait a priori pu être un obstacle, pour moi, mais, au final, rien de ce qu'il a pu dire en une heure et demie n'a heurté ma sensibilité de sceptique scientifique. Au contraire, son discours très raisonnable a plutôt éveillé ma curiosité.

Cela laisse songeur. Matthieu Ricard pourrait-il défendre les idées qu'il soutient sans religion ? Sans son habit quelque peu incongru de moine bouddhiste ? Probablement. Ce qui me fait penser à la thèse que développe Sam Harris dans Waking Up: A Guide to Spirituality Without Religion. D'ailleurs, Matthieu Ricard et Sam Harris sont par certains aspects assez proches dans leurs idées (méditation, neurosciences, etc.). Je trouverais très intéressant que ces deux penseurs se rencontrent, par exemple dans le contexte d'un podcast.

En attendant, j'ai une fois de plus succombé à l'appel du 1-click d'Amazon et ai commandé la version Kindle de Pladoyer pour les animaux. La lecture de cet ouvrage devrait me permettre de découvrir plus en détail la pensée de Matthieu Ricard. Et - qui sait ? - me donner quelques arguments supplémentaires pour défendre mon végétarisme.