Friday, April 29, 2016

Le deuil

Je n'ai jamais vraiment vécu de deuil. Oui, j'ai perdu des oncles et tantes. J'ai perdu mes grands-parents. J'ai pleuré pour eux. Et je me sens toujours triste quand je pense à eux. Mais je n'ai jamais perdu mes enfants ou ma femme.

J'ai de la chance. J'en suis conscient. C'est un cliché, mais je suis un homme, blanc, vivant dans un pays riche. Régulièrement, des gens perdent toute leur famille, du jour au lendemain.

Alors, forcément, je me sens un peu coupable d'être toujours dans cette sorte de mélancolie permanente huit jours après la mort de mon musicien préféré. J'ai raconté à plusieurs personnes, proches, que j'avais pleuré le soir où j'ai appris la nouvelle de son décès. J'ai à chaque fois eu droit à une réaction de surprise. Et je le comprends : c'est indécent, dans un monde tel que le nôtre, de pleurer pour quelqu'un qu'on ne connaît pas personnellement et avec qui on n'a jamais parlé.

Il paraît que le deuil ne concerne jamais le défunt, mais notre propre personne, la manière dont nous vivons la perte d'un être cher. Alors j'imagine que cette situation ne fait que révéler la sursensibilité dont je n'ai jamais réussi à me débarrasser. Plus positivement, c'est aussi l'occasion de prendre un peu plus conscience de la chance que j'ai et de relativiser mes problèmes quotidiens. Les anglophones parlent de first world problems. J'aime bien cette expression.

Mise à jour (2 mai 2016).  Un article (en anglais) sur ce thème : "For many fans, the impact was akin to the loss of a family member. Through his music they were able to feel that he got them, even if they had never met."

Monday, April 25, 2016

Sometimes It Snows In April : une playlist hommage à Prince

En tant que fan, il est difficile de rendre hommage à Prince aussi rapidement après sa mort. Ces derniers jours, nous avons eu droit à un déluge d'informations et de témoignages dans les médias - que j'ai soigneusement évités, autant que possible.

Son génie musical a été reconnu, pas unanimement, bien sûr, mais largement. Du peu que j'ai pu entrevoir, ce sont malheureusement toujours les mêmes chansons qui ont été diffusées à la radio et à la télévision - "Purple Rain", "Little Red Corvette", "Let's Go Crazy", "Kiss", "Cream" et j'en passe.

Ce ne sont pas de mauvaises chansons. Loin de là. Mais ça n'était pas le Prince que j'écoutais depuis des années - je le connais depuis 1989. J'aimerais donc proposer ici une sélection de chansons qui ont une signification particulière à mes yeux. J'aurais pu préparer une playlist rock, funk ou jazzy. Une playlist de balades. Une playlist de ses chansons chantées en falsetto. Une playlist guitare ou piano. L'exercice est ici différent : ce sont les premières chansons que j'ai eu envie d'écouter depuis la mort de Prince. Pas de "hits". Pas de morceaux connus. Simplement des chansons qui, par leur atmosphère, leurs paroles ou la manière dont elles m'ont accompagné dans la vie, sont importantes pour moi.

Prince est mort le 21 avril 2016. Seul, chez lui. Exactement 31 ans plus tôt, le 21 avril 1985, il enregistrait "Sometimes It Snows In April" avec Lisa Coleman et Wendy Melvoin. C'est une chanson qui parle du départ d'un être aimé. Un peu cliché ? Tant pis. Prince, c'était aussi ça : le cliché assumé.

Tuesday, April 5, 2016

Viande artificielle et éthique : ma position en résumé

Je m'étais déjà exprimé sur le thème de la viande artificielle il y a deux ans et demi. Après avoir écouté l'interview de Uma Valeti par Sam Harris ("Meat Without Misery"), j'aimerais à nouveau résumer ma position sur le sujet en répondant brièvement à trois questions.

1) Suis-je en faveur du développement de la viande artificielle ?

Oui, définitivement. Comme je l'expliquais dans mon dernier article, il est à mon avis impossible de convaincre plus de sept milliards d'êtres humains de se passer de viande. C'est irréaliste. D'un point de vue éthique (donc si l'on cherche à diminuer au maximum la souffrance des êtres conscients), la viande artificielle semble être une bonne solution. La seule solution plausible, en fait.

2) Lorsqu'elle sera disponible, mangerai-je de la viande artificielle ?

Probablement pas, mais on ne sait jamais : il est difficile de prédire le futur. Depuis le temps que je suis végétarien, l'envie de manger de la viande m'a passé. C'est un goût que j'ai perdu. Et, si je ne suis pas attaché à des principes qui m'empêcheraient absolument de manger de la viande artificielle, la viande reste associée à des idées négatives, désagréables (la mort et la souffrance d'êtres conscients). Enfin, il ne faut pas oublier que le végétarisme m'a permis de découvrir de nombreux aliments que je n'avais pas l'habitude de manger auparavant. Je souhaite poursuivre sur ma lancée et continuer à encourager tous ces producteurs qui font des efforts pour proposer des produits végétariens et vegans de plus en plus variés et intéressants du point de vue du goût.

3) La viande artificielle est-elle une meilleure voie que le végétarisme/véganisme ?

Non. Malgré ma réponse à la première question, la viande artificielle reste un compromis. La moins mauvaise des solutions, en quelque sorte. Supprimer la souffrance animale sans qu'il y ait un véritable cheminement personnel chez le consommateur reste problématique. C'est un peu comme si l'on résolvait le problème de la pédophilie en fournissant des "enfants artificiels" (disons, des robots ou des poupées réalistes) aux pédophiles pour qu'ils puissent assouvir leurs pulsions. Oui, il s'agit d'une comparaison choquante, peut-être, et imparfaite, comme toutes les comparaisons. J'en suis conscient. Mais je crois qu'elle véhicule assez bien mon ressenti.

Bref, j'attends le développement de la viande artificielle avec une certaine impatience, accompagnée tout de même d'une légère résignation.