Wednesday, June 25, 2014

Déménagement, dématérialisation et décroissance

C'est une année importante pour ma femme et moi : cet automne, nous emménagerons dans notre nouvel appartement, dont, cette fois-ci, nous serons propriétaires. Nous quitterons donc notre appartement actuel, que je loue depuis maintenant douze ans, depuis la fin de mes études. Plusieurs changements nous attendent, comme nous nous éloignons de la ville. Par exemple et malheureusement, les trajets en transports publics seront en grande partie remplacés par des déplacements en voiture. De manière plus anecdotique, je devrai abandonner mon rituel de lecture dans le métro, matin et soir, et trouver d'autres moments dans la journée pour lire. Et peut-être me mettre à l'écoute de podcasts.

Mais c'est aussi l'occasion de faire un point complet sur nos possessions physiques et, en même temps, de confirmer, ou accélérer, une tendance qui s'est précisée chez moi depuis une dizaine d'années : la volonté de posséder le moins de choses possible (une forme de minimalisme / simplicité volontaire moderne - minimalism / simple living, en anglais) :
  • Depuis 2005, je scanne tous les papiers que je reçois. Je ne conserve qu'une petite pile de papiers essentiels de quelques millimètres (contrats, etc.). Je n'ai jamais possédé d'imprimante depuis que je n'habite plus chez mes parents. J'essaie de recevoir le moins de courrier possible, en me désabonnant de tout ce qui est inutile et en apposant les autocollants nécessaires sur ma boîte aux lettres pour ne recevoir ni publicité ni journaux gratuits. Je reçois et paie mes factures en ligne, lorsque je le peux. En résumé, je tends à être paperless.
  • Depuis 2011, au début de chaque année, je me fixe plusieurs buts annuels quantifiables et, dès la première année, j'ai pris l'habitude de m'imposer de donner, vendre, recycler ou jeter un certain nombre d'objets par année. Au début, j'avais choisi le nombre symbolique d'un objet par mois (i.e. douze objets par année), mais je me suis rapidement aperçu qu'en me prenant au jeu, je pouvais largement dépasser ce but (26 objets en 2011, 28 objets en 2013 et j'en suis déjà à l'heure actuelle à 39 objets pour 2014). Dans ce contexte, j'ai une définition assez conservatrice du terme "objet" et j'ai souvent tendance à regrouper plusieurs objets en un seul (exemple : "1 sac contenant 9 vieux habits", "1 sac contenant 15 équipements électroniques", etc.).
  • Plusieurs de mes buts annuels sont consacrés à des tâches de fond d'archivage (scan de mes anciens papiers datant d'avant 2005, rip/archivage d'anciens CD-R/DVD-R avec des fichiers personnels, rip de mes DVD achetés, etc.). Ce sont des projets qui prennent beaucoup de temps, comme j'ai eu tendance à accumuler énormément de documents et supports de données depuis mon enfance.
  • Depuis 2011, je n'achète plus de DVD. Le dernier que j'ai acheté est le coffret de 10 DVD "The Definitive Miles Davis At Montreux DVD Collection 1973-1991". Je n'ai jamais acheté de Blu-ray. Pour les films et les séries, je suis désormais passé aux téléchargements.
  • Depuis 2012, je n'achète plus de CD. Mon dernier achat est Alter Ego de Yaron Herman. Depuis, j'achète toute ma musique au format FLAC sur des magasins en ligne tels que Qobuz.
  • Depuis des années également, je n'achète plus de livres en papier pour mes lectures personnelles. J'ai fait quelques exceptions pour des livres de programmation, dont je voulais faire profiter mes collègues de travail, mais le partage de fichiers PDF (de toute manière vendus avec la version papier par certains éditeurs) est finalement tout aussi facile et plus pratique (possibilité de rechercher des termes dans le document, etc). On ne m'y reprendra donc probablement plus. J'ai aussi entrepris de vendre ou donner mes anciens livres.
Concernant ce dernier point, on touche là à quelque chose de sacré, la plupart des gens traitant encore le livre en papier comme un objet très important dans leur vie. Lorsque je parle de ma démarche, j'entends souvent des personnes me dire leur besoin de toucher le papier, de le sentir, de plier les pages, de les annoter et d'exposer leurs livres dans une bibliothèque, comme s'ils faisaient partie de leur identité (ce que je peux parfaitement comprendre - je travaille en quelque sorte à une version virtuelle de ce concept). Mais c'est un phénomène normal. Il y a une peur de la dématérialisation. On la remarque dans d'autres domaines également (retour en force du vinyle depuis une dizaine d'années en tout cas, par exemple).

Il existe de nombreux "canaux" pour se débarrasser de ses possessions :
  • Les canaux habituels, utilisés quasiment au quotidien - poubelles ; containers à papier/carton, bouteilles en verre, PET, piles, capsules Nespresso, vieux habits, etc. ; déchèteries ; magasins reprenant les appareils électroniques, etc.
  • Les sites de vente en ligne. En Suisse, la référence en la matière est Ricardo, mais j'ai utilisé eBay à nouveau cette année, pour la première fois depuis 2006, pour vendre des objets plus "internationaux" (disques rares). L'ergonomie de ce site est épouvantable, mais il remplit sa fonction. Pour les ventes à prix fixe, il est aussi possible de passer par les sites de petites annonces.
  • Les groupes/forums pour donner des objets. Il y a quelques années, j'avais "abandonné" un livre que je n'avais pas réussi à vendre dans la bibliothèque d'un café/restaurant. L'essai a été concluant, mais pour d'autres types d'objets ou de plus grandes quantités de livres, il faut plutôt se tourner vers des groupes tels que "Objets à donner sur Lausanne et région" sur Facebook. Mon expérience a été pour l'instant très positive. Les réponses sont très rapides, arrivant parfois déjà moins d'une minute après la publication d'une offre. Les personnes sont quelques fois très enthousiastes : deux étudiants m'ont offert du chocolat en échange de livres ou d'un caquelon à fondue usagé que je leur donnais.

Il est rare que les ventes d'objets usagés rapportent véritablement de l'argent. Entre la préparation de l'enchère (photos, description textuelle, etc.), l'emballage et l'envoi par la poste, c'est surtout un assez grand investissement de la part du vendeur. Il serait parfois plus simple de jeter ou recycler l'objet. Non, l'intérêt est ailleurs. Le but, c'est que l'objet "continue sa vie" chez une autre personne, plutôt que de finir dans une décharge ou brûlé. Ou je ne sais où, d'ailleurs.

Au final, ce que j'apprécie, ce n'est pas tant le fait de me débarrasser de mes possessions, ce qui prend du temps et de l'énergie, comme je l'ai dit, mais le fait de posséder moins, de pouvoir vivre dans un lieu plus simple, plus dépouillé, plus propice à la détente ou à la concentration. Comme Paul Graham l'écrit dans "Stuff", nous possédons trop de choses. Chaque objet dans notre environnement est une source potentielle de stress, car il est susceptible de représenter indirectement une tâche à effectuer, que l'on procrastine, peut-être. Ou, pire, d'être volé ou détruit dans un incendie. Avoir moins d'objets, c'est aussi donner plus de sens à chaque possession. Un souvenir. Un tableau. Un élément de décoration. Avoir plus d'objets, c'est au contraire la dilution du sens, ainsi que le signe d'une certaine désorganisation, d'un certain dépassement.

Sur le long terme, c'est donc plus une philosophie de vie que je cherche à atteindre. Pour posséder moins, il faut consciemment décider d'acquérir moins de choses et, autant que faire se peut, se débarrasser de ce qui est devenu inutile, dès que possible. J'aime bien les règles de type "one in, one out", voire "one in, two out" (ou plus). Ce sont des règles simples, qui permettent de se poser les bonnes questions, au bon moment.

A encore plus long terme, je dois avouer que je suis complètement fasciné par des initiatives telles que le "100 Thing Challenge". Plus que le but en soit, que je me vois mal atteindre concrètement un jour, ce sont la démarche et la réflexion qui l'accompagne qui me parlent.

Je pourrais encore aborder les liens entre le minimalisme, Getting Things Done (GTD) et la méditation, mais ce sera peut-être pour un prochain article. Ce qui est certain, c'est que notre déménagement, cet automne, n'est qu'une étape, une sorte de nouveau départ, dans cette attitude que je cherche à avoir vis-à-vis de la consommation.

2 comments:

Erik Bruchez said...

Et après, plus qu'à remplir le nouvel appartement avec de nouveaux objets !

Olivier Bruchez said...

Plus jamais.