Sunday, September 29, 2013

De la difficulté de méditer

Il y a quelques jours, j'apprends à un ancien collègue que je n'avais pas revu depuis plusieurs années que j'ai commencé à méditer. Il me demande si ça marche. J'hésite à lui parler de corrélation, de lien de cause à effet, du fait qu'il est presque vain de tenter de déterminer si quelque chose "marche" sur soi ou non, mais je résiste à la tentation. Je lui explique que je n'en ai pas la moindre idée, que c'est plus une expérience, une phase, motivée par des résultats d'études scientifiques assez encourageants. Il me propose de noter chaque jour mon humeur (de lui associer un score) et d'en tirer des conclusions (comme le fait Buster Benson). Je trouve cela compliqué. Il faudrait que je me force à vivre des périodes sans méditation, que je garde une trace de nombreuses autres variables pouvant influencer ce que je cherche à mesurer. Et à la fin, cela ne serait pas très concluant, à cause de l'effet placebo, des biais cognitifs et de toutes ces perturbations que les études scientifiques s'efforcent de minimiser.

Cela fait donc bientôt neuf mois que je médite. Plus de 17 heures de méditation réparties sur plus de 60 sessions. Et je ne sais toujours pas si "ça marche". Ce constat pourrait être considéré comme fortement démotivant par certains.

Il y a pire : non seulement j'ignore tout de l'efficacité réelle de ma pratique méditative, mais je dégage du temps, régulièrement, pour m'y adonner. Autrement dit, je prends du temps dans ma journée pour ne rien faire. C'est absolument contre-intuitif. Surtout pour moi, qui m'intéresse à la culture du life hacking et qui utilise Getting Things Done (GTD), ainsi que d'autres méthodes similaires, depuis bientôt une dizaine d'années. J'aurais naturellement plutôt tendance à essayer de faire le plus de choses possible durant le peu de temps libre que j'ai à disposition (on peut discuter du sens du mot "faire", justement, mais c'est une autre problématique).

Un autre problème est qu'il est difficile d'avoir le sentiment de progresser. J'ai vécu récemment quelques sessions de méditation pénibles, où je me sentais physiquement mal à l'aise en restant immobile (tensions musculaires, sentiment d'oppression, etc.). Il m'arrive souvent d'avoir plus de peine à me concentrer sur ma respiration, mais ces sessions difficiles dont je parle ont sans doute été les "pires" de toutes. Et ce sont les plus récentes. Alors, bien entendu, comme le conseille Andy Puddicombe, de Headspace (la méthode de méditation guidée que j'utilise), il ne faut pas se focaliser sur les résultats "évidents", mais plutôt être curieux en permanence, comme un observateur externe, et c'est une approche qui, bien qu'à nouveau contre-intuitive, me plaît et m'intrigue.

Enfin, je n'arrive pas encore à bien appliquer ce que j'apprends de la méditation dans la vie courante. Andy suggère de devenir de plus en plus conscients de nos mouvements, de nos changements de positions, tout au long de la journée. Etonnamment, cet exercice est particulièrement difficile. Ce que j'arrive mieux à faire, par contre, c'est devenir plus conscient de l'instant présent lorsque je marche pour aller au travail le matin et en revenir le soir (environ 15-20 minutes par jour, mais c'est déjà un début). Ces instants me font dire que le concept de pleine conscience n'est peut-être pas si théorique que cela et est accessible, avec suffisamment d'entraînement. D'un autre côté, lors de mes dernières randonnées solitaires en montagne, j'ai essayé d'appliquer les mêmes principes et ai lamentablement échoué. Je crois qu'il doit y avoir peu de moments dans ma vie où je pense autant que lors de ce genre d'exercices physiques... L'élévation du rythme cardio-vasculaire et l'augmentation de la quantité d'oxygène circulant dans le cerveau sont peut-être des explications de ce phénomène.

Bref, méditer est difficile. Je ne sais pas si plusieurs années de pratique supplémentaires y changeront quelque chose, mais l'intérêt est là : il y a définitivement quelque chose qui me pousse à y revenir régulièrement. Une sorte de curiosité. Une volonté de mieux me connaître.

8 comments:

Alois Cochard said...

Salut Olivier,

C'est marrant ça quand même car on a jamais eu l'occasion d'en parler face a face mais moi ça fait maintenant plus d'une année que je pratique régulierement et... bien sur, le placebo est un phénomène très puissant... mais la j'expérimente des choses qui me paresse impossible d'être de l'auto-conviction, et comme tu le dit de nombreuse études arrive a mésurer ces ondes (court term) ou effet bénéfique (long term).

Pour ma part si je fait moins de 15min, c'est très faible. A partir de 20min il y'a une énorme différence... après entre 30min ou 2heures c'est très semblable (sur les effets, mais je peux faire de plus profonde reflexion).

Ou alors il peut m'arriver de perde conscience pendant qque instant (si par example je ne dors pas assez la nuit)... c'est un peu une méditation ratée pour moi. D'ailleurs je dit "qque instant"... mais en réalité j'en sais rien, car le temps disparait.

Il y'a des effets concret, immédiat.. c'est des sensations que je pourrais passer une éternité a tenter de décrire, mais qui d'après moi son très personelle et ne peuve pas vraiment être communiquée par d'autre forme que le vécu.
Disons que la sensation la plus concrete pour moi c'est des vibrations sous la peau du crane, mais bon ... ça c'est typique le genre d'effet qui peuve être induit par placebo/auto-conviction, je le prends comme une sorte de signal "je suis relax, et prêt".

Et sinon il y'a les effets a moyen terme, par example j'esseye de méditer tout les matin....
D'une manière géneral j'arrive a être beaucoup plus calme face une saloperie de bout de code ou d'application qui marche pas comme je veux (tu dois bien voir de quoi je parle, la "frustration du coder")... ou par example si je fait la review de code qui ne me plait pas, j'ai l'impression que mes remarques sont plus constructive.

Sans méditation le matin je dois parfois lutter pour rester zen, avec je me sens calme poser. J'écoute plus facilement les autres et leurs opinions.

Je vais pas te cacher qu'il est probalement plus facile de "détecter" ces changements de perception quand tu les a expérimenter auparavent avec les petits "astuces" qui permette de tricher ... par example cannabis ;-) ... que je n'ose plus trop consomer aujourd'hui, car depuis que j'ai passer certain "niveau" dans méditation, l'effet est bcp plus fort.

Attention, je ne dit pas que l'effet du cannabis est similaire à la meditation... mais il a bcp de point commun, et il y'a d'après moi un manque cruelle de recherche dans ce sens la...

En tout cas continue, j'ai remarque que d'une certaine manière a moment j'ai franchit une étape... d'un coup, bien sur après bcp d'entrainement... mais pendant un moment il a vraiment fallu ce motiver, car je ne sentais pas de progrès et c'est très découragant.

J'ai surtout eu ca il y'a des années, quand j'ai voulu pratiquer le rêve lucide... Il ma fallut 6 mois d'entrainement avant un vrai résultat (très faible, mais au moins qqchose!)... similaire avec la méditation, mais le rêve lucide ma probablement facitilé la méditation, enfin j'en suis même sur car je suis le même processus mentale de préparation.

Pour moi après avoir passer ces premières étapes, ça suit tout seul... probalement car a partir de ce moment, je me suis senti rassurer, je me suis dit "Ok, ça marche, ça vaut la peine tout ces efforts"... du coup ce n'est plus des efforts mais du plaisir.

Mais c'est vrai que ça prend du temps, je pense que c'est bien. On n'oublie bien trop souvent de "prendre le temps" dans notre monde.

Amicalement,

Alois

PS: Désoler pour la faible qualité de mon français écrit, je n'ai jamais été très bon... et je n'ai pas eu l'occasion de le pratiquer bcp ces derniers temps ;-)

Olivier Bruchez said...

Hello Alois,

Merci pour ton témoignage. C'est motivant de lire ce genre d'expériences.

Je vois que tu es en avance sur moi, en quelque sorte. Pour ma part, j'en suis encore à des sessions de vingt minutes, mais j'aimerais bien tenter des sessions plus longues (30-45 minutes ou plus).

J'ai mangé avec Jean-Luc, récemment, et il est également bien plus rodé que moi, au point de prendre congé pour se consacrer à des retraites méditatives ! Impressionnant.

Pour ce qui est du quotidien, ça aide lorsque que je code, c'est clair. Mais j'ai encore des progrès à faire, pour me distancer de mes frustrations régulières dans le domaine... :)

Pour ce qui est de l'effet placebo, il semblerait qu'il y ait vraiment autre chose, selon certaines études. Au pire, on se rapproche d'une sorte d'effet placebo "pur", sans tromperie et sans dépense d'argent, ce qui, d'un point de vue intellectuel, me dérangerait un peu moins.

Pas d'expérience de mon côté avec le rêve lucide et encore moins avec le cannabis. Pour le premier, ça peut m'intéresser. Pour le second, un peu moins.

La route est encore longue, mais je suis pour l'instant encore motivé, malgré les difficultés.

Alessandro Vernet said...

"Est-ce que ça marche pour toi?" Voilà une très bonne question, qui en pose immédiatement une autre: "quelle sont tes objectifs?", à laquelle il faut à mon avis répondre d'abord. Andy pose aussi cette question lors de chaque méditation, ce qui porte à penser qu'il l'estime également très importante.

Mes réponses changent avec le temps, mais elles se concentrent autour de deux axes: apprendre, et réduire la "souffrance" (au sens large; à la fois personnellement, et de ceux dans mon entourage).

Même si l'objectif change avec le temps, avec ces objectifs en tête, je me sens mieux placé pour répondre à la question initiale: "est-ce que ça marche pour toi?". Pour l'apprentissage: oui; il n'y a pas de doute. Le podcast the Gil Fronsdal est pour moi plus théorique, et complémente bien Headspace au niveau de l'apprentissage. Côté "réduction de la souffrance", je me souviens de cas où il me semble que la méditation m'a aidé à mieux vivre une situation, ou à régir de façon plus appropriée, mais j'ai de la peine à faire une réponse catégorique. Et j'espère que cela vient principalement de mon inexpérience, puisque je ne médite régulièrement que depuis le début 2013.

Olivier Bruchez said...

Comme toi, je ne réponds pas toujours de la même manière à la question de ma motivation, donc ça rend forcément difficile l'autre question "est-ce que ça marche ?". J'ai un peu l'impression, pour l'instant, que je vise une cible en mouvement. J'espère que ça va se préciser avec le temps.

Alois Cochard said...

@Olivier

Content de savoir que tu garde la motivation :-)

Après effectivement, est-ce "placebo" ou pas... pour tout dire a partir du moment ou je ressens un effet positif, j'ai décider que je m'en fichais un pu ;-)

Au niveau scientifique c'est très intéressant de le savoir, mais au niveau personel je ne crois pas (ou alors dans la mesure ou ça donne de la motivation).

Au plus de lire tes progrès.

A bientôt!

Alois

Alessandro Vernet said...

Je me demande si le terme de "placebo" a un sens dans le contexte de la méditation.

Quelle serait la procédure alternative? Rester assis chaque jour pendant la durée de la méditation, en étant instruit de ne "rien faire", tout en étant assuré des effets positifs de cette procédure? Cela ressemblerait plutôt à alternative à la méditation. Ou certains dirait peut-être qu'il s'agit même d'une méthode particulière de méditation.

Il me semble qu'on ne peut parler de placebo que lorsqu'il y a un médicament, opération, ou autre procédure qui peut ne pas être faite, ceci à l'insu du patient.

Olivier Bruchez said...

De ce que je comprends de l'effet placebo, après lecture de "Placebo" de Dylan Evans,"Bad Science" de Ben Goldacre et d'autres livres sur le sujet, il n'y a pas de raisons pour que la méditation ne puisse pas, en théorie, agir par effet placebo, totalement ou en partie.

L'effet placebo est juste une question de contexte. Il agit lorsqu'on pense suivre un traitement efficace, qu'il le soit ou non. Il ne pré-suppose pas du tout une tromperie ou une supercherie, juste que le patient croie en l'efficacité du traitement. Il agit sur un certain nombre de symptômes très limités et essentiellement subjectifs (douleurs, angoisses, stress, dépression, etc.). Si je devais résumer, je dirais que c'est juste un mécanisme par lequel le cerveau arrive à détourner son attention de ces symptômes désagréables. Ca ne les fait d'ailleurs même pas forcément disparaître. Je suis sûr que vous avez déjà "oublié" une douleur dans une partie de votre corps. Du coup, ça peut être dangereux, si la douleur est le signe d'un problème plus grave. Mais dans la plupart des cas, ça permet juste de patienter pendant que le corps (ou un autre traitement, efficace, lui) fait son travail.

D'ailleurs, pour un traitement donné, l'absence d'un bon "placebo" dans le contexte d'une étude scientifique ne signifie absolument pas que le traitement lui-même n'agit pas par effet placebo. Dans le cas de l'acupuncture, par exemple, il est difficile de trouver un bon "placebo". Il faut bricoler des aiguilles qui ressemblent à des aiguilles, mais qui n'en sont pas vraiment. C'est ce qui a été fait pour certaines études. Mais s'il est relativement aisé de tromper le patient, il est quasi-impossible de tromper la personne appliquant les aiguilles. Du coup, impossible de garantir un double aveugle et d'éliminer tous les biais introduits par le fait que la personne appliquant le traitement croie en l'efficacité du dit traitement. Toutes ces difficultés n'empêchent pas, au final, que l'acupuncture agit, jusqu'à preuve du contraire et selon les résultats des études sérieuses menées jusqu'à présent, par effet placebo.

Notez que l'effet placebo, en soi, n'est pas forcément une mauvaise chose. Au contraire, c'est plutôt un effet qu'il faudrait cultiver, amplifier. Quel est l'intérêt de souffrir si les choses vont aller mieux dans quelques jours, quelques semaines ? Aucun. Non, ce qui est négatif, c'est toute l'ignorance, tout le folklore et, oui, les tromperies autour des médecines alternatives. L'argent en jeu, aussi.

Dans le cas de la méditation, par contre, il me semble qu'il n'y a pas tous ces éléments négatifs. On serait proche d'un effet placebo "pur", que l'on peut provoquer sans tromperie, sans argent, sans médecin, tout seul, sans intervention externe. Bref, les avantages, sans les inconvénients.

Cela dit, l'effet placebo étant encore mal cerné, d'une part, et connoté négativement, d'autre part, c'est peut-être une mauvaise idée d'utiliser ce terme dans le contexte de la méditation.

Benjamin said...

Je suis bien d'accord avec ton retour d'expérience. Méditer est difficile et est le fruit d'un long parcours.
Nous venons de sortir un service en français pour aider et accompagner les gens à méditer tous les jours. Nous aimerions bien avoir ton avis sur cette version beta: www.petitbambou.com.
A bientôt
Benjamin, cofondateur